Chronique

Lucky dog

Live at the Jacques Pelzer Jazz Club

Frédéric Borey (ts, ss), Yoann Loustalot (tp, bugle), Yoni Zelnik (b), Fred Pasqua (dms)

Label / Distribution : Fresh Sound Records

C’est dans l’intimité du Jacques Pelzer Jazz Club, situé à Liège, que le quartet a décidé d’enregistrer ce témoignage, à bien des égards représentatif de leur démarche. D’une part parce que la décision de capter un concert, avec seulement une poignée de micros et sans possibilité de retouche, est révélateur de la place que tiennent la prise de risque et la spontanéité. Mais aussi parce qu’en se privant des habituelles possibilités d’édition, le groupe délivre ici une musique intense et délicieusement naturelle. Ce n’est pas forcément avec des légumes intacts qu’on prépare les meilleures soupes.

C’est cet aspect naturellement rugueux qui saute à l’oreille. La prise de son est bonne, très bonne même, mais nous ne sommes plus habitués à ce que la musique atterrisse entre nos oreilles sans que le son soit lissé. Ce n’est pas un défaut, au contraire. Fermez le yeux et vous y êtes, à profiter d’un set enthousiasmant, plein de swing, de rêveries et de lyrisme.

Sous l’impulsion souple et compacte de l’excellent tandem rythmique constitué de Yoni Zelnik et Fred Pasqua, Frédéric Borey et Yoann Loustalot jouent de beaux thèmes souvent intelligemment harmonisés et s’expriment assez longuement pour développer leurs idées, avec ce qu’il faut de concision pour que les morceaux ne se diluent pas en d’inutiles circonvolutions.

Le fait d’avoir beaucoup joué ensemble, et depuis longtemps de surcroît, permet au quartet d’allier fluidité et sophistication, comme sur le thème « Trouble », complexe mais porté par une rythmique qui embarque l’auditeur. Et si l’esthétique générale est celle d’un bop moderne qui s’appuie sur les canons du genre autant qu’il les contourne, le groupe élargit sa palette expressive en s’appuyant sur la capacité de sa rythmique à endosser la responsabilité narrative. Ainsi Yoni Zelnik introduit-il longuement « Waterzooi Suite » à l’archet, donnant au titre une couleur sombre qui précède la pulsation explosive et les souffles mêlés.

Le quartet n’est pas avare de solos mais à aucun moment on ne ressent de bavardage. Au contraire les prises de paroles sont justes, inspirées, et surtout magnifiquement agencées. Il faut entendre la trompette de Yoann Loustalot reprendre délicatement la main au saxophone soprano de Fred Borey sur « Wake Up Panda », avant que tous deux ne se rejoignent pour réexposer un thème joliment pensé.

L’effervescence de titres comme « Instant I » ou « The Game » côtoie le velours des ballades (« C’est tout ») ou les réminiscences de blues (« Old and New », « Manzana Mood »). Mais on retient surtout de ce disque sa spontanéité, cette qualité qui fait tant défaut à de belles propositions musicales altérées par un trop lourd travail de production. Ce live de Lucky Dog est brut, sans artifice. La qualité de la musique jouée l’en dispense largement.