Chronique

Bill Evans

Evans in England

Bill Evans (p), Eddie Gomez (b), Marty Morell (dm)

Label / Distribution : Resonance Records

Resonance poursuit sa bonne habitude de nous proposer des enregistrements inédits de grande qualité. Avec Evans in England, on donne dans le multirécidivisme et l’on ne saurait s’en plaindre. Le concept de surproduction artistique relève de l’absurde. Les 18 titres rassemblés dans deux CD proviennent d’enregistrements réalisés au Ronnie Scott’s de Londres en décembre 1969. L’odyssée des bandes recueillies est racontée dans le livret par Leon Terjanian. On n’y reviendra pas. Signalons seulement la très grande qualité de la prise de son, permettant de détailler avec précision le travail de chacun, notamment, car il est le moins connu du trio, Marty Morell, parfaitement lisible et nullement encombrant. Dans l’évaluation du disque en tant que produit, les textes et les photos sont les bienvenus. Jean-Pierre Leloir saisit Bill Evans en plein effort, dans sa position favorite, parfois protégé du froid par un épais manteau, qui n’a pas amorcé la transformation de son look de la décennie 70.

Dans l’historique de la constitution des trios de Bill Evans, celui du Ronnie Scott’s est remarquable par sa stabilité. Eddie Gomez est entré à l’automne 1966, et Marty Morell en octobre 1968. L’association durera jusqu’en 1975, avec le remplacement de Marty Morell par Eliot Zigmund. Il n’y a pas de nouveauté dans le fonctionnement evansien du trio, mais simplement un plaisir renouvelé à l’écoute des classiques, « Waltz for Debby » ou « Re : Person I Knew », l’inventivité dans le traitement de « So What », et dans l’ajout de nouvelles pièces au répertoire comme « Sugar Plum » et « The Two Lonely People ». Et, bien sûr, « ‘Round Midnight », très souvent joué par Bill Evans , qui se situe, à ma connaissance, au troisième rang, après Thelonious Monk et Miles Davis, pour la fréquence des enregistrements de l’étendard identitaire du jazz.

En définitive, voici une nouvelle illustration de l’effet de lieu dans les prestations live du jazz. Avec le Village Vanguard, champion touts catégories, le Ronnie Scott’s est en bonne place, au même titre que le Birdland ou le Village Gate. On ressent bien la proximité d’un public attentif, sans bruits de verres, et le principe de plaisir exprimé par notre trio.