Chronique

Hubert Dupont

Smart Grid

Hubert Dupont (b), Denis Guivarc’h (as), Yvan Robilliard (p), Pierre Mangeard (d)

Label / Distribution : Ultrabolic/Musea

L’expression Smart Grid désigne le réseau intelligent, permettant d’optimiser production et consommation d’énergie, en associant la diversité des sources de production et leur adaptation aux multiples formes de consommation. La pochette du dernier opus d’Hubert Dupont, avec en surimpression un maillage de lignes et de hubs semble suggérer l’application de la métaphore du Smart Grid au quartet.
Effectivement, comme dans le quatuor à cordes classique depuis Joseph Haydn, la bande des quatre fonctionne en interaction permanente. Certes, Hubert Dupont reste le leader, apporte ses compositions, introduit, ponctue et conclut, à l’archet comme en pizzicato, assurant la continuité du groupe. On avait gardé en mémoire le quartet de Spider’s Dance (2007), mais l’attention se portait sur le haut niveau de la prestation de Rudresh Mahanthappa, qui faisait passer au second rang la cohésion de l’ensemble. Ici, la valeur de chacun est clairement mise en évidence, même si Pierre Mangeard reste un peu en retrait dans ses interventions. Denis Guivarc’h apporte sa contribution dans une atmosphère qui renvoie à une certaine contemporanéité new-yorkaise, du côté de Loren Stillman, par exemple. Reste Yvan Robilliard, déjà là dans Spider’s Dance, et dont la progression est indéniable, tour à tour percussif et lunaire (« Recondition », entre autres). Après ses missions plutôt réussies dans une perspective, disons orientale (VoxXL, Jasmin, Golan), où il pouvait prendre à son compte la fameuse réflexion du Général De Gaulle (« Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples », Mémoires de guerre, L’Appel, p. 181), Hubert Dupont revient musicalement dans l’Hexagone, ses qualités d’écoute et de propositions restant intactes. Le réseau intelligent fonctionne.

Au total, par ce témoignage enregistré live, se confirme un phénomène de grande ampleur : celui de la persistance en France d’un grand nombre de contrebassistes de très haut niveau, après les générations passées de Michel Gaudry, puis de J. F. Jenny-Clark, Beb Guérin, Henri Texier, toujours là et bien là. Voici donc aujourd’hui, toutes et tous arrivant à pleine maturité, au fil de la pensée, et sans classement - avec évidemment les risques inévitables d’oublis de l’instant de l’écriture : la liste n’est pas exhaustive - Joëlle Léandre, Thomas Bramerie, Marc Buronfosse, Diego Imbert, Stéphane Kerecki, Sarah Murcia, Clovis Nicolas, Jean-Philippe Viret. Hubert Dupont est au milieu d’eux.