Chronique

Bopp, Fréboeuf, Lasserre

Espèces d’espaces

Christiane Bopp (tb, voc, gourde métallique), Didier Fréboeuf (p, e-bow, perc), Didier Lasserre (d, perc)

Label / Distribution : Instant Music Records

La pochette ne précise pas que derrière le mot « percussions », ce sont nombre d’objets qui, en guise d’instruments, participent à ce disque sous les doigts des musiciens. Didier Fréboeuf et Didier Lasserre notamment utilisent ici une mèche d’archet, un pinceau japonais, une balle rebondissante, du feutre, un cale-porte, une chambre à air de vélo, des boulets, des pinces à linge, de la gomme, une timbale de baptême, des grelots… C’est cette collection d’objets inattendus et d’instruments incroyables qui participe au parti pris bruitiste de cet album. Dès lors, sachant tout le bazar d’instruments qui œuvre ici, on saisira autrement le titre du disque. Par Espèces d’espaces – un titre emprunté à Georges Perec –, on pourrait alors comprendre « drôles d’espaces musicaux », et la citation de Perec qui figure en bonne place dans la présentation de l’album – « L’espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête » - prend ici une saveur toute particulière.

De fait, cet espace qui se conquiert et qui n’est pas un élément prédéfini, c’est ici l’improvisation collective et, bien sûr, il n’y a ni thème, ni chorus, ni tempo, ni partition. De la matière sonore, bien plus. De celle qui s’étire, se love, s’étend et se rétracte. C’est elle qui fait bouger les lignes, les cloisons et qui déplacent les portes ainsi que les trous de souris.

La musique du trio de Christiane Bopp, Didier Fréboeuf et Didier Lasserre est exactement de cette engeance. Elle est faite de sons qui se percutent et s’entrechoquent au gré des éléments spatiaux que les trois musiciens déplacent dans leurs déambulations sonores.