Chronique

Mathias Eick

When We Leave

Mathias Eick (tp, keyb, voc), Håkon Aase (vln, perc), Andreas Ulvo (p), Audun Erlien (b), Torstein Lofthus (dm), Helge Andreas Norbakken (dm, perc), Stian Carstensen (pedal steel guitar)

Label / Distribution : ECM

Passées les traditionnelles cinq secondes de silence qui ouvrent ce disque du label munichois, la musique se fait jour. Le climat éthéré qui s’est installé n’étonne alors aucunement. L’ambiance générale est rapidement identifiable. Comme pour bon nombre de productions ECM [1], les compositions et le climat instauré par la formation réunie autour du trompettiste norvégien Mathias Eick imposent la vision d’un grand nord vaporeux. La musique reste prévisible mais l’art de la mélodie prime, comme pour faire resurgir avec subtilité le phrasé du trompettiste qui vise une pureté harmonique sans faille - et l’on sait combien il est difficile de jouer peu de notes tout en gardant une force évocatrice. Il faut noter l’influence sous-jacente de Kenny Wheeler, de même que le climat historique du groupe Codona qui ressurgit par instants.

Le violon de Håkon Aase répond à la trompette de manière minimaliste sans viser à des envolées démonstratives : on est dans la retenue constante et le jeu du pianiste Andreas Ulvo n’y échappe pas. La guitare de Stian Carstensen apparaît plutôt de façon nuancée, avec une réverbération qui nous renvoie aux couleurs spécifiques de l’immense Bill Frisell. Les compositions excluent toute forme dramatique, seule prime une recherche chromatique équilibrée, la contemporanéité avançant alors à petits pas. La trame musicale est rassurante et y apparaît comme une réconciliation avec ce qu’il y a de plus profond en l’être humain, comme une ode à la vie.

Au terme de l’album surgit la voix de Mathias Eick entourée par les instrumentistes qui égrènent des notes avec ce final en forme de requiem. Tout cela intériorise encore un peu plus le propos musical de When We Leave qui vise à une frontière abolie entre jazz et folk.

par Mario Borroni // Publié le 22 janvier 2023
P.-S. :

[1Il faut néanmoins relativiser : n’oublions pas que Manfred Eicher a produit des albums débordants d’énergie, de l’Art Ensemble of Chicago à Jack DeJohnette en passant par Sam Rivers.