Chronique

Christian Escoudé Unit Five

Ancrage

Christian Escoudé (g, voc), Antoine Hervier (org), Ludivine Issambourg (fl), André Villéger (ts, cl), Simon Goubert (dms).

Label / Distribution : Label Ouest

On n’avait vraiment pas envie que ce disque écrive le point final de la longue et belle histoire d’un musicien tel que Christian Escoudé, qui vient en effet de nous quitter, vaincu par la maladie, quelques semaines seulement après la publication de cet Ancrage. Un dernier album qui, de fait, se charge d’une émotion supplémentaire avec la disparition de ce grand musicien. C’est un sale temps, décidément, pour les guitaristes…

Christian Escoudé était devenu musicien professionnel aux côtés d’Aimé Barelli, avant le décollage d’une carrière qui le verra côtoyer des personnalités majeures de la scène jazz (Eddy Louiss, Bernard Lubat, Michel Portal, René Urtreger ou encore Michel Graillier). Et c’est en 1980 que sa renommée avait tutoyé les sommets à l’occasion d’une tournée avec John McLaughlin. On l’avait vu ensuite chez Martial Solal, en duo avec Didier Lockwood, en trio avec Jean-Charles Capon et Ron Carter, ou au sein de son trio gitan avec Babik Reinhardt et Boulou Ferré. Sans oublier bien d’autres collaborations prestigieuses (John Lewis, Joachim Kühn, Charlie Haden…). Il appartenait à la grande famille des guitaristes du jazz manouche, un héritage qu’il avait su conjuguer avec sa propre personnalité, lui qui accordait une importance extrême à la mélodie et s’attachait à accomplir un véritable travail de compositeur. Après plus de quarante ans passés à Paris, il avait choisi de revenir « chez lui », en Charente, ce qui constituait pour lui, comme on le comprend, un Ancrage.

On le retrouve donc une dernière fois avec ce disque chaleureux et profondément humain, bien entouré de compagnons de route tels qu’Antoine Hervier à l’orgue, André Villéger (clarinette et saxophone) ou Simon Goubert à la batterie. Et c’est parce que le guitariste était toujours en recherche d’un son nouveau, parce qu’il voulait avancer sur son chemin qu’il avait souhaité marier la flûte de Ludivine Issambourg à la clarinette basse. Christian Escoudé s’ancrait donc dans son pays d’origine en même temps qu’il ancrait comme définitivement sa musique dans ce jazz chantant et éternel qu’il affectionnait, rendant hommage aussi bien à Paul Desmond que Jimmy Giuffre ou Django Reinhardt.

Chanter, oui, c’est même d’ailleurs ce qu’il osait faire pour la première fois avec la reprise de « I’ll See You In My Dreams ». La voix de Christian Escoudé s’est éteinte, certes, mais avec cet album, elle nous accompagne pour toujours, terriblement attachante. Salut l’artiste !