Chronique

Christopher Hoffman

ASP Nimbus

Christopher Hoffman (cello), Bryan Carrott (vib), Rashaan Carter (b), Craig Weinrib (dms), David Virelles (p, 2)

Label / Distribution : Out of Your Head Records

Repéré aux côtés d’Anna Weber au sein du septet Clockwise, le violoncelliste Christopher Hoffman est un musicien à qui sied particulièrement l’épithète « élégant ». On l’avait déjà entendu avec Henry Threadgill (dans l’orchestre Zooid), mais aussi avec Tony Malaby et Kris Davis dans le Silver Cord Quintet. Originaire de Chicago, il est proche des milieux du cinéma et joue également depuis des années sur la scène rock dite « alternative ». Mais c’est sans doute avec ASP Nimbus, le premier album de son quartet, que son nom va s’ancrer de ce côté-ci de l’Atlantique. Dans « Discretionary », le morceau introductif, son archet se fait dansant, extrêmement fluide dans sa discussion avec le vibraphone de Bryan Carrot. L’instrumentarium de l’orchestre y est pour beaucoup, deux instrument cristallins et faussement fragiles qui construisent une architecture solide et pourtant précieuse, appuyé par la batterie insatiable de Craig Weinrib, remarquable de bout en bout.
 
Le batteur est également membre des orchestres de Threadgill, et il est le point d’équilibre de ce quartet où le piano de David Virelles [1] s’invite pour deux morceaux. Weinrib est, avec le contrebassiste Rashaan Carter, le tenant d’une rythmique puissante et souterraine qui marque une césure avec violoncelle et vibraphone. Sur le très beau « Orb », alors que Carrott s’offre une échappée belle assez enlevée, c’est la batterie qui le canalise, aidée par les pizzicati nerveux de Carter pour le ramener dans une énergie collective particulièrement rayonnante. Si Hoffman est agile et particulièrement expressif dans un morceau comme « Angles of Influences », le vibraphone n’est pas en reste. Sur le très doux « Non-Submersible », ses lames sont un berceau pour un violoncelle soudainement apaisé, jusqu’à ce que la sèche contrebasse de Carter apporte le roulis d’une tempête.
 
Le tour de force d’ASP Nimbus, c’est de parvenir à un équilibre, à une forme de concorde et de sérénité même, alors que tout l’album est plein de forces contraires. Il y a une tentation chambriste d’un côté et une vraie complexité rythmique de l’autre, sans que personne ne tire la couverture à soi (« Dylan George »). Il y a surtout une tentation mélodique proche du chant dans un morceau comme « For You », sans recherche inutile de joliesse mais plutôt de simplicité et d’ingénuité qui fonctionne immédiatement. Voilà un très beau disque, lumineux à souhait, proposé par un très bel orchestre

par Franpi Barriaux // Publié le 13 juin 2021
P.-S. :

[1Lui aussi membre du 14 or 15kestra de Threadgill.