Chronique

Circé

Alcali

Arthur Delaleu (g), Alix Beucher (g), Léa Ciechelski (s), Nicolas Zentz (cb), Florentin Hay (dms) + Paul Cadier (ts)

Label / Distribution : Capsul Records

Ce jeune quintet tourangeau qui se revendique de Paul Motian ou Jakob Bro pour leur approche rêveuse - tout en faisant penser à Bill Frisell pour l’omniprésence des guitares et le déploiement d’un univers ouaté où l’espace tient une part importante - livre ici son premier disque. En se donnant le nom d’une magicienne rencontrée dans l’Odyssée d’Homère, qui se joue des marins en les hypnotisant avec les plantes dont elle connaît les pouvoir, le groupe fait le choix de climats enchanteurs propices à la rêverie et aux métamorphoses de l’imagination.

Les guitares de Arthur Delaleu et de Alix Beucher gardent un son clair où les cordes sont pleinement perceptibles, légèrement transformées par des effets nimbés de réverbération ou d’échos, et tissent des atmosphères délicates et sans heurt. Aucune violence dans leurs propositions : les guitaristes se complètent et font même le choix d’annuler leur individualité au bénéfice d’un halo commun animé par une délicate section rythmique aussi discrète que délicatement pulsatile.

La batterie de Florentin Hay évoque effectivement le jeu désaxé de Motian tandis que la basse plus solide de Nicolas Sentz est garante d’un sillon droit qu’elle creuse en laissant échapper quelques variations mélodiques. Parfaitement mobiles l’un vis-à-vis de l’autre, tous deux s’associent subtilement pour alimenter un jeu collectif encadré par le tapis des guitares et enlevé par le saxophone onirique de Léa Ciechelski. Avec beaucoup de douceur, elle apporte une incarnation supplémentaire à des compositions qui oscillent toujours entre mélancolie et un état d’immobilité hypnotique où il fait bon rester.

La présence du saxophoniste Paul Cadier, sur trois titres, permet des interactions à la houle légère - particulièrement sur Firework qui, par son chant intérieur et sa construction paisiblement ascensionnelle, constitue un des moments forts du disque. Sans verser dans des compositions émollientes, Circé trouve toujours le moyen de donner une inflexion harmonique inattendue, un évocation mélodique qui active une lointaine réminiscence, aussitôt estompée, et nous entraîne dans les limbes que n’aurait pas reniées la sorcière, ou déesse, dont le groupe emprunte le nom.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 15 janvier 2023
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