Angelica Sanchez, Barry Guy, Ramón López
Live at Jazzdor
Angelica Sanchez (p), Barry Guy (b), Ramón López (dm, perc).
Label / Distribution : Maya Recordings
Archive précieuse, cet enregistrement est la captation en direct d’une première rencontre musicale entre les protagonistes de ce trio proposé par le Festival Jazzdor dont nous ne pouvons que louer l’heureuse initiative. Si deux d’entre eux se connaissent parfaitement et écrivent depuis de nombreuses années quelques belles pages de l’improvisation européenne la plus radicale (l’anglais Barry Guy à la basse et le batteur espagnol Ramón López aux côtés notamment du pianiste espagnol Agustí Fernández), c’est pourtant cette fois l’Américaine, Angelica Sanchez qui leur donne la réplique et apporte les couleurs d’une musique d’outre-Atlantique qui reste solidement inscrite dans une pratique jazzistique de l’improvisation.
Dès l’entame, un univers est posé, à la fois robuste et éthéré, habile même puisque, avec beaucoup de souplesse, il prend des formes inattendues et gagne en puissance sans aucune hésitation. La paire rythmique, il est vrai, n’impose pas seulement un tempo, mais définit les conditions d’un paysage puissant, à grand renfort de virages inattendus et de contrastes forts. La pianiste pourtant, nullement intimidée, sait trouver tout de suite sa place et ne cherche pas à imposer un jeu opulent mais plutôt à faire corps avec ses partenaires. Elle s’engage avec passion dans un rapport qui est avant tout affaire d’écoute toute entière au service d’une construction in vivo d’une intensité musicale qui se nourrit d’un savoir transversal.
Sur la seconde piste, ouvrant seule la partie, elle engage ainsi le trio vers des couleurs plus intimes où prédomine la note bleue et qui conduisent la formation sur le versant d’une sensibilité rentrée (on songe au disque Amaryllis de Marilyn Crispell, avec Paul Motian et Gary Peacock) que ses camarades ont la courtoisie de suivre avec nuances.
L’équilibre entre tension et détente de ces deux plages résume l’entre-deux dans lequel se situe le disque : une large expressivité qui va des tumultes d’un chaos sous contrôle et toujours avançant, à des lignes bleutées aux émotions raffinées. L’abandon des rapports de forces infructueux au bénéfice d’un flux musical qu’on pourrait penser autonome et qui, de fait, gagne en souplesse et inventivité sont les conditions d’une rencontre réussie rendant ce témoignage d’autant plus précieux qu’il est pour l’heure unique.