Chronique

Das Kapital

Kind Of Red

Hasse Poulsen (g), Edward Perraud (dm), Daniel Erdmann (ts, ss)

Label / Distribution : Label Bleu

On s’habitue vite à ce qui demeure, malgré tout, une exception : les groupes qui ont une durée de vie telle, qu’ils peuvent se permettre de développer ce qui était implicite, voire insu de leurs membres, dans le projet originel. Il en fut ainsi du trio d’Ellery Eskelin avec Andrea Parkins et Jim Black, et ce n’est pas tout à fait innocent que cela se retrouve dans la forme du trio Das Kapital, avec saxophone(s), batterie et, instrument à la fois harmonique et mélodique : la guitare.

Le premier morceau, appelé « Webstern » donnera bien le ton général de la musique, plutôt orientée vers l’ouest, et ce n’est pas le moindre paradoxe que Das Kapital, né sous le signe d’une Europe en mal de comprendre et de dépasser le capitalisme - projet qui reste d’actualité - en soit aujourd’hui à faire résonner des guitares à la mode « West Coast » (pas celle de Lester, mais de Neil) et plus globalement la musique « made in USA », qui aura été et reste le vecteur de pas mal de luttes politiques, toutes couleurs confondues. Rappelons les diverses étapes de cette transformation : partis de musiques improvisées, qui pouvaient, par exemple, accompagner des images réunies sous le titre « Lenin On Tour » et s’achever dans une retentissante « Internationale », les musiciens de Das Kapital ont revisité longuement et avec bonheur les chansons de Hans Eisler, qui illustraient encore le combat des internationalistes dans les années 30, puis se sont orientés vers des musiques de fêtes de fin d’année. Nous voici donc encore un peu plus à l’ouest ! En français, en allemand ou en anglais (langue courante au Danemark), les titres renvoient à chacun des compositeurs, mais il est manifeste que le travail sur chaque morceau est celui du trio.

J’aime beaucoup l’ambiance un peu férocement grinçante de « Macht Nix, In Der Mitte Ist Noch Platz », avec ses effets d’échos entre ténor et soprano, mais aussi la ballade paresseuse appelée « How Long, So Low », et le côté râpeux et janséniste de la pièce finale, « Nothing Will Ever Be Enough Again ». En espérant pouvoir entendre ces pièces en concert !