Chronique

De briques et de jazz, le jazz à Toulouse depuis les années 30

Charles Schaettel

« De briques et de jazz », édition enrichie d’un premier ouvrage paru en 2001 force l’admiration. Car c’est avant tout un très bel ouvrage : un peu plus de 300 pages au format 33 tours, avec en couverture une reproduction d’une œuvre de Nicolas Masterson représentant Maceo Parker sur un très classieux noir qui lui donne beaucoup de cachet.

Ce que confirment d’ailleurs les quelque 270 photos qui l’agrémentent. L’auteur, Charles Schaettel, estime d’ailleurs qu’il s’agit autant d’un récit documentaire que d’un livre d’images. Inutile, en revanche, de l’envisager comme lecture de chevet… Pour savourer ce lourd et volumineux objet avec l’attention et la concentration qu’il mérite, il vaudra mieux s’attabler. Et puisque la grande majorité des photographes, dont le célébrissime Jean Dieuzaide, sont, de cœur ou de fait, toulousains, on peut voir aussi dans cette histoire du « jazz à Toulouse depuis les années 30 » un clin d’œil, sinon une ébauche, à l’histoire de sa perception à travers la photographie.

De briques et de jazz conte donc l’histoire de cette musique dans la ville rose depuis la création en 1936 du Hot Club de Toulouse jusqu’à ses développements les plus récents. La présentation, chronologique et thématique, est limpide. Le récit, à la géographie minutieuse, retrace les grandes étapes de cette vie musicale, qui débute notamment entre la place Wilson et les allées Jean-Jaurès. Le long développement consacré à la radiophonie toulousaine, cet autre lieu du jazz, est particulièrement bienvenu, et le récit que Charles Schaettel consacre notamment à la concurrence entre Radio Toulouse et Toulouse Pyrénées, est éclairant. On se régale aussi de l’épopée de la Tournerie des Drogueurs (à laquelle Michel Boujut a consacré un roman, La vie de Marie-Thérèse, laquelle bifurqua quand sa passion pour le jazz prit une forme excessive), lorsque le jazz se déplace autour de la place Esquirol.

Mais ce livre n’est pas exclusivement centré sur les différents lieux toulousains. Et que ce soit à la Tournerie, sur les allées Jean-Jaurès, à la Roue, au Pharaon, à la cave des Blanchers ou encore à Montauban, où de nombreux musiciens se déplaçaient chez Hugues Panassié, on croise de très nombreuses figures qui ont marqué l’histoire du jazz à Toulouse. Outre Panassié, on croise Bob Edison, Mac Kac, Jacques Bratti, Claude Guilhot, Michel Roque, Christian TonTon Salut ou encore Richard Calléja. Mais c’est la figure de Guy Lafitte qu’on retrouve le plus fréquemment ; on voit grâce à lui les périodes se succéder puisqu’on suit le saxophoniste ténor depuis l’immédiat Après-guerre jusqu’aux années 1990.

Charles Schaettel, à travers cette volumineuse histoire du jazz à Toulouse, montre l’évolution du genre tant dans les lieux qu’il occupe selon les époques qu’à travers ses figures emblématiques ou encore son enseignement, plus particulièrement le département musique de l’Université Jean-Jaurès (ex-Mirail). Car c’est une histoire en perpétuel mouvement, en témoigne la fermeture récente du Mandala, qu’il évoque à deux reprises et qui laisse un grand vide. Ou plutôt les quatre-vingts premières années d’une histoire qui s’écrit au présent, car cette mésaventure favorisera sans doute l’éclosion d’autres lieux, d’autres manières d’appréhender ces musiques et, bien entendu, d’autres musiciens, toutes choses dont Charles Schaettel saura rendre compte dans une troisième édition de son ouvrage.