Scènes

Dmitry Baevsky ouvre le festival de Saint-Fons

À ses côtés, Alain Jean-Marie pour un tandem réussi. Une démonstration efficace d’un jazz inspiré par les racines du be-bop.


A ses côtés, Alain Jean-Marie dans un tandem réussi, ainsi que Clovis Nicolas (cb) et Estève Pi (dr). Une démonstration efficace inspirée par les racines du be-bop mais d’une grande fraîcheur.

Il est des musiciens qui ne connaissent pas le mot « préambule ». Dmitry Baevsky est de ceux-là. Il attaque un set comme il reprendrait le fil d’une impro, comme s’il avait peur d’être en retard. A peine un regard circulaire pour s’assurer qu’Alain Jean-Marie, Clovis Nicolas et Estève Pi sont bien prêts à bondir, et les agapes commencent. Il n’y aura, d’ici le rappel, aucune interruption dans cet enchaînement de morceaux piochés, comme il aime à le faire (quatre albums déjà), dans son panthéon musical.

Photo Frank Bigotte

Le be-bop n’est plus ? En une heure de temps, ce jeune sax russo-new-yorkais le ressuscite avec une ferveur et une fidélité inégalées, s’amusant au gré des thèmes à reconstruire sous nos yeux un ensemble de grande cohérence. Chez lui il y a surtout un jeu : on connaissait sa grande maîtrise de l’instrument, parfois gracile ou volubile. Mais la maturité est là : les fulgurances sont encore plus saisissantes, mais il en vient de plus en plus à des digressions courtes et d’une étonnante légèreté, resserrant son jeu tout en le densifiant. Mélange de précision ou de méticulosité que vient rompre opportunément une décontraction à l’opposé du terne costume de cérémonie qu’il se plaît à porter dans ces occasions.

D’où un set concentré, rapide, hors du temps. Le jeune homme reprend Bud Powell, Ellington… ainsi que des thèmes enregistrés avec d’autres par le passé. Cette fois il s’adjoint les services d’un autre bopper tendance mers du Sud, Alain Jean-Marie. La rencontre est d’autant plus réussi que le saxophoniste laisse une large place, pour ne pas dire la plus grande, à son pianiste de quelques soirs, qui offre un étonnant écho aux thèmes qu’il lance, courbé sur son clavier, à la recherche constante d’un son qui atteigne l’essentiel grâce à une dextérité qui lui permet d’insinuer son impro d’une main ou d’une autre, voire des deux. Une rencontre étonnante, bien mise en valeur par Clovis Nicolas, complice de la première heure, et Estève Pi, batteur venu de Barcelone. Doté d’une belle fantaisie, il se montre d’un bout à l’autre soucieux de varier son soutien et d’enrichir les échappées. L’affaire tourne si bien, sans rallonge ni redites, qu’on sent un emboîtage complice perceptible dans des formations de légende.

En première partie, découverte de l’EYM Trio qui, depuis le Tremplin Jazz RA et Vaulx-en-Velin, continue l’aventure avec Elie Dufour, au piano, Marc Michel aux drums et Yann Phayphet à la contrebasse. Des influences d’Europe de l’Est nourrissent le jeu riche et renouvelé de cette formation bien soudée. Leur premier album est attendu dans quelques semaines.