Scènes

La saboteuse de Saint Fons

En direct du festival Saint-Fons Jazz, #20


Une fois n’est pas coutume, le festival St Fons Jazz a commencé l’année avec une programmation à la hauteur de sa réputation. Toujours très éclectique, cette vingtième édition a ouvert la scène à des artistes internationaux mais aussi aux productions locales les plus prometteuses.

Jeudi 24 janvier
Yazz Ahmed et son quartet ont investi la scène du théâtre Jean Marais le temps d’un concert envoûtant. L’occasion pour la musicienne de livrer quelques titres inédits à paraître sur un disque en préparation, et de revenir sur quelques uns des plus beaux morceaux de La Saboteuse. Toujours teinté de sonorités orientales, le nouveau répertoire intègre davantage d’effets que Yazz Ahmed distille à l’aide de pédales et de loops. Quant aux titres plus anciens, « Jamil Jamal », « La Saboteuse », « The Lost Pearl » ou le final « Organ Eternal », ils n’ont rien perdu de leur poésie dans cette forme réduite du quartet. En cheffe d’orchestre, la trompettiste dégage toujours cette force tranquille qui la caractérise, et dirige ses musiciens avec fermeté sans jamais se défaire d’une grande humilité. L’aisance avec laquelle elle joue, se déplace et place ses phrasés installe une atmosphère toute en douceur mais jamais fragile. Le bassiste Duddley Philips semble totalement habité et emporté par la musique, tandis que Ralph Wyld au vibraphone joue des cintres et des maillets avec l’agilité d’un félin. L’impressionnant Martin France ne ponctue pas ses frappes de roulements, il apprivoise ces derniers et les transforme en rythmes hybrides. Le quartet tourne depuis plus d’un an, c’est sans doute ce qui lui a permis de pousser très loin la cohésion qu’il affiche aujourd’hui. Quant au public, il en redemande pour prolonger un peu cette échappée belle, ce concert filant.

Vendredi 25 janvier
Jean-Paul Hervé est venu présenter sa nouvelle création, Ligne B, ou la bande sonore de la deuxième ligne du métro lyonnais. Une date doublement importante pour ce quintet inédit, puisqu’il s’agissait d’une première prestation scénique et qu’elle coïncidait avec la sortie de l’album. Le genre de soirée exceptionnelle dont le festival est coutumier. Aux côtés du guitariste, on retrouve Hervé Humbert à la batterie, Raphaël Poly à la basse/programmation, Fred Roudet à la trompette et Loïc Bachevillier au trombone. Une solide formation qui n’a pas froid aux yeux, et qui s’empare des compositions de Jean-Paul Hervé avec une dextérité renversante. Le groupe joue vite, fort, et maîtrise toutes les nuances de cette musique directe et spontanée. Très écrite, elle ouvre des espaces d’improvisation risqués comme autant de défis que les musiciens relèvent haut la main, provoquant l’enthousiasme d’un public décoiffé. On retient notamment l’impressionnante série de solos à toute vitesse sur « Heure de pointe ». Un dialogue s’instaure entre les musiciens et l’assistance dans ce concert en commun, où les voyageurs interagissent. Le dernier métro du retour aura une note plus singulière que d’habitude, et ses sonorités raviveront bien des mélodies inspirées.

Le festival s’achèvera avec Charlier Sourisse Winsberg, pour un hommage à Michaël Brecker, avec Randy Brecker, le frère du regretté saxophoniste, le vendredi 1er février, toujours au théâtre Jean Marais, à St Fons.