Scènes

Clovis Nicolas : le retour de l’enfant prodige

Clovis Nicolas Quartet au JazzFola Live Club, Aix en Provence, 20 mars 2018


Photo : Robert Hale

Que celle ou celui qui a dit que la contrebasse n’était pas un instrument harmonique soit voué-e aux gémonies ! Dans ce club de la banlieue d’Aix-en-Provence tenu par le vénérable contrebassiste-entrepreneur en jazz Jean-Paul Artero et son équipe, Clovis Nicolas signait un retour sur ses terres d’origine par un set incandescent.

Ses mains sont taillées sur mesure pour l’instrument : la droite enveloppe les cordes dans un toucher toujours subtil, cependant que la gauche développe un phrasé voluptueux, se faisant parfois percussive sans négliger quelque blue note semée de-ci de-là. Le jeu instrumental de ce jeune leader a quelques résonances cézaniennes en cette périphérie d’Aix-en-Provence : la musique qu’il construit là, sur scène, avec ses acolytes, a quelque chose d’un prisme. De même la Montagne Sainte-Victoire de Cézanne projette de délicates sensations colorées dans et hors du tableau, de même le jazz de Clovis Nicolas inonde la scène et la salle d’un flot musical unique et contrasté.

Évidemment, le groupe est à l’avenant. A la batterie, l’Anglais Steve Brown développe un jeu nuancé, entre puissance et finesse, coloré sans être vraiment coloriste. Bruce Harris, le trompettiste, pimente le tout de son jeu raffiné : seul membre du groupe réuni ce soir-là à être présent sur l’album « Freedom Suite Ensuite » (avec le leader), il sait s’adapter avec classe à la nouvelle donne. Quant au saxophoniste du soir, il s’agit de Dmitry Baevsky, altiste exceptionnel véritablement possédé par le jazz. « C’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier lors de mes débuts à New-York », devait préciser le contrebassiste.

Clovis et ses soufflants (Robert Hale)

Mais quel voyage nous propose Clovis Nicolas ? Si ses compositions relèvent bel et bien d’un sens aigu du jazz, c’est par sa relecture de l’œuvre « rollinsienne » qu’il séduit, en toute simplicité : « Nous allons jouer les trois parties de ce manifeste afro-américain et on vous retrouve de l’autre côté ». La Suite pour la Liberté prend alors tout son sens… En la relisant avec grâce et une modestie non feinte, « l’enfant du pays » (son parcours dans le jazz a commencé sous la férule de Jean-François Bonnel au conservatoire d’Aix) signe là un retour qui devrait l’inscrire au firmament des contrebassistes actuels.

par Laurent Dussutour // Publié le 1er juillet 2018
P.-S. :

Merci à Robert Hale pour ses clichés