Chronique

Warelis- Zíngaro - Espvall - Dos Reis

Turquoise Dream

Marta Warelis (p), Carlos Zíngaro (vln), Helena Espvall (cello, effects), Marcelo dos Reis (g)

Label / Distribution : JACC Records

Marta Warelis, Carlos Zingaro, Helena Espvall, Marcelo dos Reis. Le casting fait saliver. Quatre musiciens frondeurs, quatre improvisateurs hors pair, quatre fortes têtes aussi. Marta Warelis (jeune pianiste polonaise installée à Amsterdam depuis de nombreuses années), Helena Espvall (violoncelliste un brin déjantée née en Suède mais installée depuis le début des années 2000 à Philadelphie) et le guitariste Marcelo dos Reis (qu’on ne présente plus) font partie de la même génération ; une génération sans complexe qui hybride les musiques entre elles et fait voler en éclats les frontières musicales aussi bien que mentales. A ce petit jeu, le violoniste Carlos Zíngaro (1948, Lisbonne) fait figure de précurseur, lui qui a joué avec tout ce que la planète compte de musiciens libres et aventureux.

Des générations différentes donc mais un même ADN : la liberté, la rencontre, le partage. Le festival portugais Jazz ao Centro avait eu la bonne idée de les réunir lors d’un concert enregistré durant l’édition 2019. Leur rencontre apparaissait comme une évidence ; à l’écoute de ce Turquoise Dream, on en est définitivement convaincu.

L’album compte cinq morceaux, tous reliés à des ambiances différentes. Dans « Finer Grades » qui débute l’album, le récit avance à pas de loup, rythmé par les coups de boutoir du duo Dos Reis/Warelis, uniquement troublé par les griffures acides de ses compagnons.
« Pale Bluish » commence comme un salmigondis de sons entremêlés avant de se poursuivre par un très beau solo délicat et lyrique du guitariste portugais jusqu’à un final à cordes et à cris.

Dans « Specific Gravity », l’intensité monte, sous l’impulsion de la guitare abrasive et cristalline de Dos Reis et du jeu bouillonnant d’Espvall, jusqu’au point d’incandescence d’où émergent les vaporeuses volutes de Zingaro et les trouvailles du piano préparé de Warelis.
« Revealing a Line » pourrait résumer assez bien la musique du groupe. Les cordes s’entrecroisent, se nouent, s’enroulent. On peine parfois à différencier qui fait quoi, qui est qui. Les timbres se mélangent, chaque instrument se fond dans un grand tout céleste et définitif. Comme une version moderne du quatuor à cordes.
« Blue to Green », morceau lancinant aux faux airs arabisants, clôt l’album comme dans un rêve.
Au fil des écoutes, Turquoise Dream se révèle comme un grand disque, d’une grande puissance évocatrice.

par Julien Aunos // Publié le 30 mai 2021
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