Chronique

Empty Cage Quartet & Soletti Besnard

Take Care of Floating

Kris Tiner (tp), Jason Mears (as), Aurélien Besnard (bcl, cl), Patrice Soletti (g), Ivan Johnson (b), Paul Kikuchi (dm)

Label / Distribution : Rude Awakening

La rencontre entre Empty Cage quartet et le duo formé du clarinettiste Aurélien Besnard et du guitariste Patrice Soletti n’est pas seulement l’occasion de mettre en lumière de magnifiques musiciens comme le batteur Paul Kikuchi ou le saxophoniste Jason Mears. Il s’agit également de mettre en lumière la richesse de l’échange existant entre les musiques improvisées américaine et européenne dans la perpétuation des « conversations créatives » nées aux débuts du free européen dans les années 60, mais avec la volonté supplémentaire d’y trouver une centralité, un équilibre, une ligne de flottaison imaginaire.

Take Care of Floating magnifie ce quartet californien, reconnu tant pour la qualité de ses solistes et ses collaborations prestigieuses avec des figures du jazz américain (Wadada Leo Smith ou Vinny Golia notamment) que pour sa relecture continuelle d’un free colemanien, tendance Ornette. Discret sur la scène européenne, le groupe compte pourtant parmi les bonnes surprises qui traversent régulièrement l’Atlantique. A ses côtés, les deux Français démontrent, s’il en était besoin, la qualité et la constance des parutions du label Rude Awakening.

Dès l’ouverture de « Take Care of Floating », les quelques notes intimes égrenées par la guitare coloriste de Soletti donnent le ton de ces compositions originales et rigoureuses. Chaque soliste s’attache à marier les esthétiques entre les jeux de timbres, avec mention spéciale pour la profondeur du son de Kris Tiner (trompette) et l’habillage émacié du duo montpelliérain. Aurélien Besnard, étonnant de simplicité et de dépouillement à la clarinette basse, se fait leader de circonstance par l’harmonie et l’efficacité, notamment sur son « Cheese and Shoes ».

L’échange entre les univers n’est pas basé sur une notion de hiérarchie, mais bien sur l’improvisation collective dans le but de créer de nouvelles ententes. Très vite le contrebassiste Ivan Johnson, élève de Charlie Haden et imprégné de musique savante européenne, se pose en passeur entre les univers, notamment sur le très beau « Moths to the Flame » (où son alliance avec Soletti est particulièrement réussie) ou sur « Only As Evidence » (où son jeu d’archet, allié aux constructions abstraites de Tiner, évoque des atmosphères empruntées aux récentes parutions de Braxton ou Bynum.

Le lien solide forgé dans le creuset de l’improvisation comme langage universel élève Empty Cage et le duo vers des sommets aux arêtes tranchantes où la virulence rock s’instille a défaut d’exploser, et trouve un équilibre dans le très collectif et très explicite « To Be Ornette To Be », écrit par Mears, tout en énergie. Une énergie très communicative pour un disque très réussi.