Chronique

John Dikeman & Hamid Drake

Live in Chicago

John Dikeman (ts), Hamid Drake (dms)

Label / Distribution : Doek Raw

John Dikeman et Hamid Drake se connaissent depuis longtemps et cela se perçoit immédiatement à l’écoute de ce Live in Chicago paru en numérique sur la plateforme BandCamp. Entrée en matière immédiate pour le saxophoniste rocailleux et le batteur impulsif, pas de round d’observation, pas de quart d’heure diplomate ; et comme on n’est pas là pour taquiner le blaireau, c’est un cri de ténor qui nous emmène tout de suite dans la mêlée. Le saxophone se cogne aux parois que construit Drake dans l’urgence, il bouscule, il tempête, il vitupère. Plus la pression augmente, plus les limites sont repoussées, à tel point qu’on doute qu’elles existent… La preuve est que tout se calme naturellement dans un équilibre plus que précaire. La vague extatique n’a pas besoin de brise-lames pour s’éparpiller sur les pavés.

Nous ne sommes pas cependant dans les vrombissements de Cactus Truck, le véhicule tout terrain de Dikeman ; ni dans ses expériences sur la label Raw Tonk avec Colin Webster ou Dirk Serries. Dans un roulement de caisse claire, alors que les gifles du métal se tarissent, Hamid Drake parvient à apaiser son jeune camarade. Ils ont joué ensemble dès 2015 en trio avec William Parker, et le duo saxophone/batterie, un classique du Free-Jazz, est à bien des aspects plus sauvage. On est bien plus proche du double trio chicagoan qui réunissait Roebke, Rosaly, Mike Reed, Bishop et Abrams. Les deux musiciens s’offrent peu de solos, même si Drake à mi-parcours s’autorise une belle échappée, volubile et puissante, qui relance paradoxalement la machine collective. C’est la synergie qui fait la force de cette rencontre.

L’alchimie entre ces fortes têtes ne pouvait que fonctionner. Habitué à sillonner l’Europe et le Monde, il était presque inévitable que le batteur s’entiche de ce saxophoniste originaire du Wyoming installé depuis de nombreuses années aux Pays-Bas. Il y a d’ailleurs, dans cette algarade qui a la tradition du Free comme colonne vertébrale, ce qu’il faut de rhizomes européens pour la rendre universelle et libre comme l’air. Le disque est court, il n’en est que plus remuant. Il serait criminel de ne pas s’en emparer.