Chronique

Ernst Reijseger

Crystal Palace

Ernst Reijseger (cello)

Label / Distribution : Winter & Winter/Harmonia Mundi

Pour son solo Tell Me Everything (2008), Ernst Reijseger avait orné la pochette d’un détail d’un tableau de Jerry Zeniuk. Dans bien des domaines, ce tenant d’un style minimaliste et coloré a de nombreux points communs avec le célèbre violoncelliste. C’est sans doute ce qui a poussé le Néerlandais à enregistrer Crystal Palace, flânerie dans une galerie allemande. Cette illustration en forme de décentrement le place devant une toile, juché sur un escabeau ; au-dessous, un enfant joue. Le jeu, tel est le sujet ici. Une liberté intrépide qui apparaît au gré des improvisations, courtes et changeantes, qui elles aussi courent et sautillent sous les pizzicati et les rebonds d’archets (« Crystal Palace XXIII »). Les ronds du peintre, réguliers et vifs, sont autant d’atmosphères que le musicien interprète sous forme de multiples miniatures.

Reijseger a une discographie pléthorique que ce soit aux côtés de son compatriote Han Bennink ou au sein de l’ICP Orchestra, en passant par Gerry Hemingway dans son quintet… et tant d’autres aventures qui le mènent parfois au bout du monde (Boi Akih ou encore Mola Sylla, avec qui il vient de signer le très sensible Count Till Zen, toujours chez Winter & Winter, à qui il est fidèle). Crystal Palace n’est pourtant que son second solo. On y retrouve les fragments de ses diverses collaborations, sans qu’il ne s’agisse nullement d’un condensé de son parcours. L’inspiration découle des tableaux, même si l’on sent aussi une volonté particulière de sonder tous les états du violoncelle, l’archet le plus ténébreux (« Crystal Palace VI »), ou le roseau le plus frêle, réduit au sifflement (« Crystal Palace XXIV »). Parfois même, l’instrument mue et devient guitare sudiste prête à la danse. Un véritable moment de grâce, qui profite de la galerie et de la prise de son impeccable pour emplir l’espace d’une douce violence qui fera songer au Barbare de Rimbaud :

Les brasiers et les écumes. La musique, virement des gouffres et choc des glaçons aux astres.
Ô Douceurs, ô monde, ô musique !