Chronique

Benoît Delbecq, Evan Parker & François Houle

La lumière des pierres

Benoît Delbecq (p), Evan Parker (ts), François Houle (cl)

Label / Distribution : Psi

Il est parfois difficile de parler d’une musique, surtout quand elle vous prend par magie et vous touche au plus profond. C’est le cas de la musique du trio composé de Benoît Delbecq (piano préparé), François Houle (clarinettes) et Evan Parker (saxophone ténor).

Trois longues improvisations composent La lumière de pierres. Trois éclairages différents sur la personnalité du groupe. Un premier versant ensoleillé — torride, aride. L’air semble manquer, la chaleur est étouffante. Minérale. Parker et Houle jouent sur le souffle, les sonorités de leurs deux instruments se marient. On entend le grain, la profondeur de la respiration. De celle qui vous brûle intérieurement, chauffée à blanc. Le piano de Delbecq se balade entre percussion et lignes brisées, installant une atmosphère étrange mais à laquelle il est difficile de se soustraire. Même paysage rocailleux, mais cette fois c’est la lune qui éclaire la scène. La chaleur a laissé place à une belle étrangeté. La beauté des sonorités, les questions-réponses, les lignes entremêlées sont hallucinantes, au sens premier du terme. Les jeux de becs et l’utilisation de toutes les ressources des trois instruments offre une palette sonore permettant de voyager entre ces pierres que l’on imagine nimbées d’une pâleur quasi mystique. L’album se termine sur une dernière déambulation : une ultime occasion d’être saisi par la musicalité sans pareille de Parker, Houle et Delbecq, par leur faculté de réinventer un paysage sonore déjà parcouru lors des deux premières plages mais qu’ils nous font redécouvrir. Les feulements répondent aux stridences, les lignes en clair-obscur du piano ouvrent la voie aux papillonnages de la clarinette et du saxophone. Le calme trompeur de certains passages n’est là que pour annoncer l’explosion d’énergie qui va suivre.

L’association de la clarinette et du saxophone est une des grandes réussites du disque. Parker et Houle sont en effet très complémentaires. Le timbre des deux instruments, la maîtrise technique du saxophoniste anglais et du clarinettiste canadien ouvrent de vastes possibilités. Et que dire de Delbecq ? Inventif, véritable pilier rythmique du trio, il est celui qui multiplie les pistes. Son piano préparé n’est jamais en reste quand il s’agit de développer de nouvelles sonorités et de sortir des sentiers battus. On ressort de cette balade inoubliable marqué par ce paysage, par cette étrange déambulation sonore. Une belle leçon de liberté.