Chronique

Sylvain Guérineau, Didier Lasserre & Jean Rougier

Ligne

Sylvain Guérineau (ts), Didier Lasserre (dm) & Jean Rougier (b)

Label / Distribution : Improvising Beings

Sylvain Guérineau, Jean Rougier et Didier Lasserre jouent ensemble depuis longtemps. En trio, ils ont déjà enregistré un Live At L’Atelier Tampon paru chez Ayler Records. Mais le saxophoniste et le batteur ont un parcours commun encore plus fourni, parsemé de duos ou trios, souvent avec Benjamin Duboc à la contrebasse, notamment sur les albums [Ter] et L’ombre plus vaste.

Ligne se compose de quatre titres formant une sorte de haïku à la Michaux. L’occasion d’écouter un trio qui se donne le temps de creuser son sillon, empreint d’un blues profond, habité, où le chant a toute sa place. Ces trois-là prennent plaisir à éliminer l’inutile pour ne conserver que le vibrant, la matière vivante et résonante, pour illuminer ce qui se cache derrière l’apparence, le subterfuge, l’armure. Accordant une importance énorme au son, ils livrent une œuvre profonde et d’une grande sincérité.

Derrière une nonchalance apparente, la musique prend pourtant toute sa force grâce au poids qui leste chaque note, chaque frappe, chaque corde grattée, où le son et le chant sont comme le Yin et le Yang, entremêlés, formant un tout majestueux. Avec une économie de moyens assumée, Rougier, Lasserre et Guérineau jouent l’essentiel. Il faut écouter la basse façon école buissonnière, naviguant autour du temps, baladeuse et curieuse, chaleureuse, et le jeu tout en nuances, sur la caisse claire et les cymbales, de Didier Lasserre, sa faculté de créer, encore et toujours, ponctuations subtiles ou surprises stimulantes, caresses ou roulements impérieux. sans oublier bien sûr la sonorité épaisse et riche du ténor dont les inflexions rappellent autant Albert Ayler que Coleman Hawkins, et qui se goûte comme une liqueur, ronde et puissante, aux mille parfums.

Ligne est comme un conte : chaque écoute ravive ce qui nous a attirés la première fois, mais aussi de nouvelles perspectives, des pistes inexplorées. C’est un trésor que l’on se passe en solitaire, quand tout est oublié alentour et qu’on peut se laisser porter par cette musique envoûtante.