Chronique

François Tusques & Fabien Robbe

Sans Détours

François Tusques (p), Fabien Robbe (p).

Label / Distribution : Autoproduction

Il est bon d’avoir, de loin en loin, des nouvelles de François Tusques. Contributeur mythique à la mainlevée de la tutelle du jazz étasunien sur le jeune free jazz européen, le pianiste, adepte des clins d’œil et des jeux d’esprit, nous avait gratifiés de ses Avant-derniers Blues (on y entendait « En pièces détachées », repris ici) sur le regretté label Improvising Beings. Il avait, sur ce label, également devisé avec Itaru Oki ou Alexandra Grimal. Plus récemment, on l’avait entendu avec le pianiste breton Fabien Robbe dans un remarqué Gardez votre sang froid. C’est à nouveau avec Robbe qu’il propose un duo de pianos qui lui ressemble fidèlement, à l’image de cette « Free gavotte » inaugurale qui placerait indubitablement le « Bemsha Swing » de Monk parmi les standards des meilleurs sonneurs de Quimper.

Sans Détours est une jolie histoire de jazz. Car des détours, il y en a plein : Robbe et Tusques furètent, baguenaudent et se promènent sur leur clavier. Il en résulte de jolis instants poétiques, comme cette « Allégresse africaine » solaire qui devient plus tortueuse et complexe à mesure que les pianos se mêlent, comme une conversation à bâtons rompus qui se perdrait dans un brouillard d’idées et d’éclats de rire. Plus loin, « La Jungle du Douanier Rousseau » lui répond, avec cette pointe de naïveté colorée qui a toujours été l’un des traits du pianiste et qui essaime ici, avec la rondeur d’une rythmique que la main gauche ponctue parfois comme autant de « Polyphonies inopinées » où la végétation pullule comme si l’aspect sauvage reprenait le dessus.

Avec sa pochette pleine de poésie, le nouveau disque de François Tusques et Fabien Robbe consacre un dialogue plein d’amitié et de douceur. Sur cette dodoche portée par deux vélos, une certaine nostalgie montre son visage. Pas une nostalgie du temps magnifié qui court après l’âge d’or, mais celle d’un moment fugace qui s’échappe. Une langueur d’où naît une forme de candeur souriante qui fait le charme de ce disque très court mais profondément joyeux

par Franpi Barriaux // Publié le 7 janvier 2024
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