
Giulia Barba, d’un monde à l’autre
Touche-à-tout, la saxophoniste et compositrice Giulia Barba essaime ses mélodies.
Giulia Barba © Giulia Furlani
Spécialisée en philosophie à l’université de Bologne, Giulia Barba n’en a pas pour autant abandonné son apprentissage musical. Ses études au Conservatoire d’Amsterdam et sa participation à l’Arena Project dirigé par Per Zanussi au côté de musicien·ne·s de toute l’Europe ont fait d’elle une spécialiste des anches très recherchée. Sa polyvalence artistique l’a conduite à composer la musique de la pièce de théâtre La Dolce Guerra de Mariano Arenella et Elena Ferrari. S’ensuivent une tournée avec John de Leo, connu pour ses collaborations avec Nguyen Lê, Stewart Copeland, Trilok Gurtu ou Enrico Rava. Sa carrière artistique est lancée et, avec son investissement au sein du Tower Jazz Composers Orchestra, elle s’affirme musicalement. Ses deux disques publiés sous son nom méritent une attention particulière.
Le premier album enregistré sous son nom par un·e musicien·ne est toujours symbolique, le message qui va en découler comporte un risque, celui d’identifier l’artiste à une musique qui tôt ou tard lui correspondra moins.
Riffs de cuivres appuyés, arrangements tirés au cordeau, c’est la marque de fabrique du premier morceau qui donne son titre à l’album The Angry St. Bernard, paru sur le label Blue Serge, et qui fait référence à Jim Carrey. La contrebasse de Luca Dalpozzo et la batterie survoltée de Joan Terol Amigò répondent aux accords plaqués du pianiste Sri Hanuraga. Ce concept énergique disparaît avec « Ik Word Beter » qui voit Giulia Barba monter des gammes à la clarinette basse et se lancer dans une partition commune avec la chanteuse Sanem Kalfa. L’improvisation de la clarinettiste demeure sensuelle et cette ambiance feutrée convient bien au quintet, tout comme « Grace », illuminé par la trompette de Gidon Nunes Vaz. Le piano esquisse une facette romantique mais les vocalisations à la manière de Keith Jarrett par-dessus du solo tendent à dissiper l’émotion.
« In a Drummer’s Head » qui, comme son nom l’indique, est taillé sur mesure pour le batteur, donne l’occasion de savourer le son de Giulia Barba au saxophone baryton, semé de réminiscences du jeu de Pepper Adams. « Fuio », partagé en deux séquences, convainc avec un solo de trompette brillant ainsi que par les couleurs de son arrangement musical. « Me Myself and My Clari » et « Ballad » s’écoutent comme deux promenades mélancoliques réussies. Avec son saxophone alto, Christian Ferlaino sait passer d’un univers à l’autre, fort de ses diverses influences qui vont de la cornemuse calabraise, connue sous le nom de surdulina, au free jazz.
« Sleeping » clôt cet album travaillé, partagé entre des ambiances latines et une forme d’introspection qui va s’affirmer avec le disque suivant, Sonoro. Giulia Barba a choisi sa voie.
La poésie qui irrigue Sonoro, paru chez BNC Music, dévoile l’originalité des compositions de Giulia Barba. Plus de percussions ou de piano mais un recentrage autour de la voix humaine, d’un violoncelle et de deux clarinettes. Musique de chambre, certes, dans l’esthétisme qui se dévoile dès l’ouverture avec « The Everlasting Voices », tiré d’un poème de W.B. Yeats. L’enchevêtrement de cellules harmoniques de « Requiem » confirme le choix judicieux d’intégrer la clarinette de Daniele D’Alessandro et la clarinette basse de Giulia Barba. « Primo Quadro - Albero » montre l’étendue du spectre sonore de Giulia Barba, seule et inspirée. Après l’arbre, le fleuve, « Secondo Quadro - Fiume » se veut joueur, « Terzo quadro - Fuoco » vibre par les onomatopées vocales et les claquements de la clarinette basse, une manière de swing s’est installée. Les cinq autres cadres qui vont suivre ont tous leur propre singularité musicale mais incontestablement, « Ottavo Quadro - Alba », où Marta Raviglia se lance dans un chant en solitaire qui évoque l’aube, demeure bouleversant. Le trait d’union entre des chants ancestraux et des ingrédients d’une modernité saisissante ne font plus qu’un. S’il a étudié dans la classe de composition de Fabio Cifariello Ciardi au conservatoire de Pérouse, sa ville natale, Andrea Rellini s’est totalement imprégné du jazz et de l’improvisation, il excelle dans « Bassorilievo Extended ».
Cette formule consacrée à un quartet hétérogène fait de Sonoro un album audacieux et consacre Giulia Barba. Son prochain album s’intitulera La Grazia dell’ Informe, basé sur des textes de la poétesse Virginia Farina. Cette formation sera composée de Marta Raviglia, Federico Pierantoni, Alfonso Santimone, Stefano Senni et Zeno de Rossi. Un autre projet dénommé HYLE se met en place avec Camilla Battaglia et Alma Napolitano.