Chronique

Hans Hassler

Hassler

Hans Hassler (acc), Gebhard Ullmann (bcl), Jürgen Kupke (cl), Beat Föllmi (perc)

Label / Distribution : Intakt Records

Hans Hassler n’est pas seulement un compositeur allemand de la Renaissance. Ou plutôt, celui-ci a un homonyme dont la barbe fleurie ferait rougir Thomas de Pourquery. C’est aussi, aux confins des Grisons, un accordéoniste renommé. A cheval entre musiques traditionnelles et jazz, cet Hassler-là a collaboré avec Thomas Eckert au sein du quartet Habarigani. Mais c’est avec le trompettiste Hans Kennel qu’il a le mieux exprimé ce discours syncrétique entre tradition de la musique suisse et expression plus abstraite au sein de l’Alpine Jazz Herd, où il côtoyait aussi le tromboniste Paul Haag.

Après Sehr Schnee Sehr Wald Sehr, album solo (Intakt) qui explorait avec une grande sensibilité les couleurs et les possibles de l’instrument, on retrouve l’accordéoniste sur le même label pour un disque en quartet qui, sobrement intitulé Hassler, couvre tous les registres pour tenter de mettre en perspective la musique traditionnelle de ses maîtres. Hassler la déstructure par une profusion de couleurs amalgamées, comme dans ses échanges avec le percussionniste Beat Föllmi sur « Nervos Vor Dem Tumbler » : on y visite les abysses des soufflets dans un étourdissement, comme à l’issue une valse trop longue. On retrouvera cette sensation sur « Ampf Lumas Unn Tig », où la danse s’effiloche à mesure que la clarinette de Jürgen Kupke s’en empare pour la faire chanceler.

Car pour l’accompagner dans ce voyage en forme de collecte des traditions populaires helvètes, Hans Hassler s’est entouré de deux tiers du Clarinet Trio. Outre Kupke, on retrouve donc ici Gebhard Ullmann qui, à la clarinette basse, assure la parfaite association des timbres. Ainsi, dans « Hommage an Paul Kolleger » [1] sa clarinette se confond avec les basses de l’accordéon comme pour mieux reprendre le thème à son compte ; l’accordéon d’Hassler se fait alors plus rythmique, chaloupé par la frappe des touches, devenues charnelles.

Également compositeur de musiques de film, l’accordéoniste élabore Hassler comme un scénario, en alternant les morceaux courts, parfois purement traditionnels (« Ach, Hier Bist Du ») et longs, sur lesquels une certaine dramaturgie s’installe (« Der Vergessene Stier Von Thusis »). On peut rester de marbre à l’écoute du registre alpestre d’Hassler ou se laisser entraîner dans cette danse nostalgique. Mais les esprits curieux découvriront un soliste remarquable et son talentueux entourage.

par Franpi Barriaux // Publié le 10 mars 2014

[1Kolleger, un des maîtres d’Hassler, est la mémoire de la musique yéniche, peuple semi-nomade d’Europe centrale.