Chronique

Dick/Léandre/Masaoka

Solar Winds

Robert Dick (fl), Joëlle Léandre (b), Miya Masaoka (koto, perc)

Label / Distribution : Not Two Records

Robert Dick est passionné d’astronomie, ses disques parlent pour lui. Le flûtiste a joué des Jazz Standards on Mars et s’est intéressé à Galilean Moon. C’est avec peu de surprise qu’on le découvre aux côtés de Joëlle Léandre et Miya Masaoka pour un bouillant Solar Wind où l’effet de souffle et l’immédiateté sont à l’ordre du jour. À commencer par « Speed of Silence », où Dick hurle dans sa flûte pendant que Léandre se débat à l’archet et Masaoka fait tinter son koto à la manière d’un Derek Bailey à la guitare. Il y a dans ce morceau une violence subite, inédite, qui tranche avec la douceur languide de « Whispering of The Stars » qui introduit l’album dans un feulement chaud et quelques mouvements imprévisibles que la contrebasse structure.

« Le silence est une vraie note », disait Cage, et c’est le tumulte qui l’environne. Peu à peu, l’effet de blast s’efface à l’initiative de Masaoka dont le rôle de kotosōsha s’estompe à mesure qu’elle laisse la flûte reprendre le dessus, jusqu’au silence troublé par les abysses de « Chronotype  », où l’on peine à distinguer la flûte contrebasse des profondeurs créées par Joëlle Léandre. Là aussi, c’est Masaoka qui change la donne en remontant le trio à la surface, en induisant le silence encore. Miya Masaoka est une compositrice et virtuose du koto étasunienne que l’on a déjà entendu avec Fred Frith et Pauline Oliveros ou plus récemment en duo avec Anthony Braxton ; elle est ici dans un registre plus intuitif, entourée de diables chaleureux capables de manipuler les feux de l’enfer. C’est tout le sujet de « Blue Fugates » où les particules s’échauffent comme dans un mélange instable. La chimie ici est toujours au bord de l’explosion et les improvisateurs se plaisent à danser sur la crête d’un volcan en rupture permanente, même si le calme parfois apparent (« Friends of The Sun ») n’est qu’un prétexte aux tempêtes solaires à venir.

On dit que ces Solar Winds peuvent être d’une telle puissance qu’une bombe atomique en comparaison est comme une piqûre de puce. Que les plus grosses bourrasques pourraient annihiler toutes les communications par ondes de la Terre si jamais elles atteignaient notre globe. Le fracas avant le silence, donc, comme ce que le trio s’époumone à nous dire. C’est une rencontre puissante et inédite à laquelle le label Not Two nous invite sur cet album tout en ruptures où chacun trouve sa place. On serait très curieux d’entendre en duo Joëlle Léandre et Miya Masaoka, qui se situent souvent ici à un point d’équilibre. Celui qui offre le lest suffisant pour que Robert Dick ne parte pas trop loin en orbite dans les étoiles. Une belle rencontre.