Chronique

Hiromi

Sonicwonderland

Hiromi (p, synth), Adam O’Farrill (tp, pedals), Hadrien Féraud (b), Gene Coye (dm), Oli Rockberger (voc on Reminiscence)

Label / Distribution : Telarc

Les deux pays qui lisent le plus de mangas sont le Japon et la France : notre nation a su s’adapter au sens de lecture de ces publications, de droite à gauche. Alors doit-on démarrer la lecture de Sonicwonderland par son dernier morceau ? Seule la pianiste Hiromi peut répondre. Elle fait déferler dans ce disque une succession de dessins éclatants qui optent pour des cadrages habités par l’indolence, l’amour et les jeux vidéos. Sonicwonderland n’est pas pour autant un album destiné prioritairement à la grande consommation : il mérite d’être découvert pour ses successions d’ambiances musicales ludiques.

Virtuose, reconnue comme l’une des plus grandes musiciennes japonaises, Hiromi Uehara subjugue par sa facilité déconcertante à passer d’un monde musical à l’autre. Une certaine sophistication se ressent dans ses albums mais le mélange de ses influences musicales produit un résultat où la fraîcheur l’emporte sur la démesure. Le parcours de cette pianiste laisse songeur : elle joue avec l’Orchestre Philharmonique tchèque à l’âge de 14 ans et se produit sur scène avec Chick Corea à 17 ans avant d’enregistrer avec lui l’album Duet en 2008. Le jazz électrique fait partie de son cursus avec son trio Project composé d’Anthony Jackson et Simon Phillips, mais sa maîtrise du son acoustique s’apprécie pleinement dans l’album Jazz in the Garden de Stanley Clarke et Lenny White, ainsi que dans son album en solo Place To Be.

De la nonchalance de « Wanted », où la trompette d’Adam O’Farrill se promène allègrement, à « Polaris » qui affiche un goût prononcé des seventies, l’album lorgne vers des ambiances surannées emmenées par la basse fretless d’Hadrien Féraud. Des relents de Miles Davis de la période Tutu donnent du corps au trépidant « Go Go » ; Adam O’Farrill transcende son rôle de jazzman, il est celui qui apporte sans cesse du renouveau. « Reminiscence » est bercé par la voix du Londonien Oli Rockberger : on plonge là dans une pop sirupeuse bien éloignée des chatoyants « Trial And Error » et « Bonus Stage » où Hiromi introduit habilement des sons vintage hérités de jeux vidéos Nintendo.

Sans prétendre bouleverser le jazz contemporain, Sonicwonderland fait défiler des mélodies ciselées et des rythmes variés qui apportent une dose d’insouciance bienvenue par les temps qui courent.