Chronique

Le Cri du Caire

Abdullah Miniawy (voc, comp), Peter Corser (ts, comp), Karsten Hochapfel (cello), Erik Truffaz (tp).

Label / Distribution : Airfono

Lorsqu’au Caire surgirent des slogans libertaires hostiles au régime en vigueur révélant une soif de renouveau, le monde eut subitement les yeux tournés vers cette ville tentaculaire, l’une des plus grandes du continent africain. Les protestations liées aux inégalités et à la précarité alimentaire conduisirent à l’occupation de la place Tahrir qui allait devenir le symbole de la révolution de 2011. Ce soulèvement populaire fut déterminant pour de nombreux artistes locaux, leur donnant l’occasion de développer un art dénonciateur au sein de la capitale égyptienne.

Abdullah Miniawy chante, écrit et slame avec un fil conducteur qui le conduit à sublimer l’art de son pays natal. D’entrée, l’envoûtement s’installe dans cet album où les talents du chanteur égyptien s’entrecroisent avec les instrumentistes de renom que sont Peter Corser, l’inventif saxophoniste britannique, l’élégant violoncelliste allemand Karsten Hochapfel ancien membre du groupe Embryo, et l’expérimenté trompettiste franco-suisse Erik Truffaz.

Cette musique touche les tréfonds de l’âme. Les sublimes envolées vocales d’Abdullah Miniawy transcendent ses textes et toute la manifestation spirituelle du chant Soufi invite alors à une transe hypnotique. La richesse mélodique propage des échos d’Oum Khalthoum, nous rappelant la place importante du mouvement féministe dans la ville du Caire. La subtilité de l’écriture musicale qui se propage tout au long de cet album intègre des boucles inventives en souffle continu avec le saxophone, tout en donnant l’occasion de découvrir les nuances sonores du violoncelle mêlant baroque et rythmes féconds. Il n’y a nulle émergence démonstrative de la part du trompettiste, au tempérament forgé par les musiques électroniques, mais plutôt une saveur sophistiquée visant à irradier les poèmes chantés.

Cet album émerveille et fait écho au savoir ancestral, notion fortement ancrée dans cette ville du Caire qui abrite l’une des plus anciennes universités du monde, à l’image de ces musiciens d’aujourd’hui qui nous offrent chacun leurs cris du cœur.