Chronique

Hirsute

Miniatures du Dedans

Label / Distribution : Pince Oreilles

Hirsute, on l’est en général au sortir des rêves. La tête dans l’oreiller, les cheveux en bataille et une certaine lenteur précautionneuse ; la même qui habite la petite musique de nuit de « Mouche Borgne », où le piano d’Anne Quillier trace encore quelques tangentes vers les songes pendant que la contrebasse si musicale de Michel Molines la maintient avec douceur dans un plan de réalité. Hirsute est le nouvel orchestre d’Anne Quillier, quelques années après Watchdog ou le joli Dusty Shelter sous son propre nom. Autour d’elle, dans ce quintet, des fidèles : Molines est devenu un passage obligé, de même que son compagnon de la base rythmique, le batteur Guillaume Bertrand. Avec eux, le clarinettiste Pierre Horckmans vient clore le cénacle des proches de la pianiste. Il n’y a qu’à se pencher sur « Serrures » pour comprendre la belle mécanique à l’œuvre dans cet orchestre que rejoint Damien Sabatier, très à l’aise dans cette musique comme il sait l’être au sein de l’Imperial Quartet.

Dans « Serrures », alors que le piano dessine des circonvolutions légères, comme des pas de danse, les deux soufflants structurent un flot qui grossit et se durcit. Peu de temps après, sur « Longue route », c’est la clarinette qui discute doucement avec une contrebasse d’une fluidité rare. Tout est douceur, tout est rêve ; il y a une vraie quiétude alentour que l’écriture limpide d’Anne Quillier habille avec élégance. « L’Homme et l’arbre », par exemple, est plein de poésie ; le court échange de la pianiste avec son contrebassiste lui offre la tentation d’un mouvement répétitif, comme une mécanique du rêve. Lorsque les soufflants les rejoignent, c’est pour y laisser quelques dentelles de mousse qui embellissent sans surcharger, ajoutant même une vraie souplesse et une grande stabilité.

Il ne faudrait pourtant pas penser que finalement, Hirsute est trop bien peigné : les mèches rebelles sont légion et l’onirisme qui est la matière première qui permet tous les pas de côté, comme cette sensation d’éparpillement qui anime « Des souris dans le ventre ». Avec ses morceaux courts, véritables Miniatures du dedans, Anne Quillier propose toutes sortes d’images tout à fait précises, rappelant qu’elle est une des musiciennes les plus intéressantes de sa génération, et une très bonne conteuse d’histoires.

par Franpi Barriaux // Publié le 30 octobre 2022
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