Chronique

Rob Mazurek & Exploding Star Orchestra

Dimensional Stardust

Label / Distribution : International Anthem

Point d’ancrage de la musique créative à Chicago, le trompettiste Rob Mazurek est depuis les débuts du label International Anthem l’une des figures qui planent au dessus de l’esthétique de la maison de disque où évoluent des prodiges comme Makaya McCraven, Damon Locks ou Jaimie Branch.

La première référence fut Alternate Moon Cycles en 2014 ; six ans après, c’est avec son Exploding Star Orchestra qu’il se présente de nouveau, pour un disque qui fera date. On y entend presque naturellement Locks et Branch, mais aussi des figures de la scène de l’Illinois, de Tomeka Reid à Nicole Mitchell, pour une musique surprenante et fulgurante, à l’image de « The Careening Prism Within (Parable 43) » qui expose une musique pleine de groove, forte de trois batteries (Chad Taylor, le batteur de A Pride of Lions, Mikel Patrick Avery et John Herdon aux rythmiques électroniques) et de la guitare intenable du fidèle Jeff Parker. Une œuvre très écrite aussi, et c’est le plus marquant. On savait Mazurek excellent arrangeur, il montre également un univers très riche, à l’instar de « Parable of Inclusion », où le travail de cordes (Macie Stewart au violon), mélangé à la flûte de Mitchell et au piano d’Angelica Sanchez, offre à Mazurek l’occasion d’un instant lumineux. Eclatant, même. On en aurait oublié, à force de Tropic, qu’il était également un compositeur électro-acoustique reconnu. Dimensional Stardust nous le rappelle.

Car régulièrement, la trompette s’efface au profit de la mécanique générale. Mazurek dirige, et laisse sa place à la vague collective qui nous entraîne dans un remous permanent où viennent lutter de front musique contemporaine, jazz des plus libre et traditions urbaines influencées par le hip-hop et la musique électronique (« Dimensional Stardust (Parable 33) »). On peut être surpris de découvrir cette musique signée par l’Exploding Star Orchestra, tant les précédents avatars du grand ensemble faisaient large part à une musique improvisée assez radicale. A l’écoute de « Autumn Pleiades », où la dynamique d’ensemble, réglée par la basse d’Ingebrigt Håker Flaten, est au motif répétitif et entêtant, on constate qu’on s’en est éloigné. Pourtant, rien dans Dimensional Stardust ne cède un pouce de terrain à la facilité. On songera rapidement au premier album de l’orchestre, We Are All From Somewhere Else, où l’on retrouvait d’autres figures comme le vibraphoniste Jason Adasiewicz ou le batteur Mike Reed. Renouveau générationnel ? Point d’étape ? Entre 2007 et 2020, la musique de Mazurek s’est nourrie à diverses sources pour mieux se régénérer, tout en gardant sa dimension cosmique.

L’espace chez Mazurek n’est pas à prendre seulement au sens des étoiles. Certes, la dimension sidérale de ce disque est sensible, dès « Sun Core tet (Parable 99) », avec une orchestration touffue où les cordes dominent, cédant la place à un vibraphone que fut souvent le centre de gravité des compositions du trompettiste. Dès « A Wrinkle in Time Sets Concentric Circles Reeling », avec l’intervention spectrale de Damon Locks qui offre à l’orchestre de nouvelles directions, il y a comme une convergence, une volonté de sublimer une expression finalement très populaire, jouée par des musiciens plus coutumiers des choix radicaux. Avec « Galaxy 1000 », qui pourrait être considéré comme une sorte d’afro-beat extraterrestre, on pénètre totalement dans cet univers étrange et parfaitement excitant. Dimensional Stardust fera date.

par Franpi Barriaux // Publié le 24 janvier 2021
P.-S. :

Rob Mazurek (dir, comp, tp, elec), Damon Locks (voc, elec), Nicole Mitchell (fl), Macie Stewart (vln), Tomeka Reid (cello), Joel Ross (vib), Jeff Parker (g), Jaimie Branch (tp), Angelica Sanchez (p), Ingebrigt Håker Flaten (b), Chad Taylor, Mikel Patrick Avery,
John Herndon (dms)