Scènes

Jacques Vidal Septet / New Morning (07/06/07)

Esprit de Mingus, es-tu là ? Quand un contrebassiste de talent (Jacques Vidal) rend hommage à un mythique confrère, la soirée ne peut que être que « blues and roots ».


Près de trois heures de musique, deux sets (l’un « promotionnel », l’autre à la limite du « bœuf »), la présence de sept des plus talentueux jazzmen hexagonaux (Simon Goubert, Pierrick Pedron, Manuel Rocheman, Frédéric Sylvestre, Eric Barret, ainsi que Daniel Zimmermann, sans oublier Jacques Vidal) : voilà pour les chiffres d’une soirée où les musiciens se sont pourtant dépensés sans compter.

C’est dans un New Morning bien garni que pénétrèrent les sept « all-stars », comme on dit dans le monde du basket US. Il y a, en fin de compte, peu de choses à ajouter aux notes vivifiantes écoutées lors de ce concert, tant le plaisir est au rendez-vous des deux côtés de la scène. Un premier set très appliqué et sérieux, dédié au dernier album en date de l’ancien bassiste de Magma. Les musiciens y jouent les principales pièces de l’opus : « Mingus Spirit », « La Valse du Clown » « Just Be bop » « Mingus Serenade » et « Niyragongo ».

Jacques Vidal © H. Collon/Vues sur Scènes

On retrouve avec plaisir tous les ingrédients qui font la saveur et le piquant de l’album. Sur « Mingus Spirit » on remarque le nouveau statut (mérité) de Pierrick Pedron, tout auréolé de son récent passage aux Victoires du Jazz ; sa première intervention est très applaudie. Sur « Niyragongo », on observe avec ravissement l’improbable et incomparable jeu de jambes qu’il tisse lors de ses chorus. Ses pieds prennent feu et partent dans des directions aléatoires mais rythmées : derrière le dos, sur les côtés, ils accompagnent en cadence des chorus enfiévrés – son sax sonnant de plus en plus comme « du Pedron ». Sur « La Valse du Clown » : on le sent libre sur le solo de Vidal à la gueule et au cœur de rocker. On découvre aussi un Goubert ultra-sonore aux cymbales, un trombone soupirant avec poésie, une guitare subtile qui joue « quand il faut », tout en résonances. Ce premier set ravit les admirateurs de l’excellent Mingus Spirit, mais laissa un peu sur leur faim les amateurs de grands concerts. Le petit grain de folie qui fait les bons gigs, le public y aura droit après la pause syndicale. Tout se bouleverse au second set, comme des sportifs ayant assez bien géré leur première période pour se détendre dans la seconde : les musiciens jouent de manière plus relâchée et plus libre, moins corsetée dans le format « promo » du premier set. Pour preuve : les chorus s’allongent et se multiplient, la présence de Vidal se fait de plus en plus sentir (on ne s’en plaindra pas, vu sa discrétion sur l’album). Plus tard, les rappels ne se font pas prier, ce qui donne même l’impression d’assister à un joyeux bœuf de haute volée, s’étirant au point d’épuiser une certaine partie du public…

Le set commence par « Funambule » pièce exceptionnelle qui bourdonne comme un standard, où Pedron tire des sonorités toutes coltraniennnes de son alto. Les musiciens se paient le luxe de revisiter avec une liberté réjouissante deux titres de Sans Issue, le précédent album du Septet : « Jaco » et « Ghost’s Dance ». On peut admirer une fois de plus le jeu remarquable (et, ce soir-là, violent), libre, drôle et habité de Simon Goubert : il fallait le voir (heureux de jouer comme si c’était son premier concert) et se promener dans la salle en frappant sur sa cloche avant de reprendre ses baguettes avec brio.

Simon Goubert © H. Collon/Vues sur Scènes

Deux légères déceptions cependant : tout d’abord l’absence d’Eddie Henderson, même si on comprend qu’il ne puisse participer à tous les concerts du Septet ; deuxièmement, le niveau du piano dans la masse sonore du New Morning : les instruments, réglés à la perfection, sonnaient indépendamment et ensemble comme il se doit. Mais il fallait tendre l’oreille pour savourer le jeu tout en raffinement de l’excellent Manuel Rocheman.

Deux bonnes raisons de réécouter ce Mingus Spirit ELU par Citizen Jazz, et en fin de compte, deux confirmations : les pièces de Mingus Spirit sont d’un grand cru, et il faut voir le Jacques Vidal Septet en concert.