Chronique

James Brandon Lewis

Days of Freeman

James Brandon Lewis (s), Jamaaladeen Tacuma (b), Rudy Royston (d), HPrizm (sound designer), Supernatural (rap), Pearl Lewis (voc)

Label / Distribution : Okeh Records

Tout ou presque dans cet album tourne autour de Buffalo, ville du Nord de l’Etat de New-York où James Brandon Lewis a grandi. D’ailleurs six des dix-neuf morceaux qui composent ce disque font référence à cette ville et « Days of Freeman », morceau qui a donné son nom à l’album, vient en écho à Freeman Street, la rue où vivait le saxophoniste. Une appellation prémonitoire et un projet dans lequel le leader a délibérément choisi de se dévoiler. Aussi ne sera-t-on pas surpris de constater qu’il a composé dix-huit des morceaux qui figurent ici. Il s’agit donc d’un projet basé sur un parti pris narratif, ce dont témoigne également la forme même de ce disque. Il est en effet organisé en chapitres, quatre en l’occurrence, séparés par des « Breaks » co-écrits par HPrizm et pour lesquels Pearl Lewis a prêté sa voix.

Bien qu’il ne soit pas introductif, on se jettera volontiers sur « Days of Freeman », puisque James Brandon Lewis nous invite dans sa rue avec ses nicknames, le basketball et les block parties. On y entend d’abord quelques mesures introductives au sax solo. Mais rapidement, basse et batterie s’invitent et viennent donner une couleur hip hop. L’intervention du rappeur Surpernatural confirme, si besoin était, cette esthétique. On lit dans ce morceau, et Brandon Lewis le revendique, une éducation musicale qui, dans les années 1990, ne pouvait faire l’impasse sur ce mouvement. D’ailleurs, les phrases au sax sont, sur cette composition comme sur beaucoup d’autres, scandées comme une ligne de rap. On les retrouve par exemple sur « Boom Bap Bop ». Durant les vingt premières secondes, on entend les échanges dans le studio, notamment la voix du leader qui marmonne le thème avant de le reprendre au sax. Rusé : le morceau y est contextualisé et nous avons, quelques instants, l’impression d’assister en direct à l’enregistrement. Et là encore, l’articulation de chaque instrument est cadencée comme en hip hop.

Ce morceau est précédé d’une reprise de « Bamako Love », une composition de Don Cherry. Est-ce un clin d’œil au free et à l’Afrique ? Peut-être. Surtout que James Brandon Lewis s’est entouré, outre Rudy Royston à la batterie, du bassiste « free funk » Jamaaladeen Tacuma. L’interprétation est d’une facture somme toute classique : thème, chorus, thème. Le tempo est plus lent que la version de Don Cherry. Le thème s’y déploie donc avec beaucoup d’envergure ; une envergure que des chœurs rehaussent. C’est concis, ça va à l’essentiel et c’est splendide.

C’est tout un pan de l’histoire de la musique afro-américaine qu’on parcourt d’un bout à l’autre de ce disque. Ainsi « Birds of Folk Cries » lorgne du côté du gospel. James Brandon Lewis le dit d’ailleurs très explicitement : « Folk Cries refers to spirituals, work songs ». Mais peut-être est-ce « Lament for JLew » qui synthétise le mieux cet album qui s’inscrit dans la tradition de la Great Black Music et en même temps la dépasse. Le morceau mélange hip hop et spirituals avant de déboucher sur un final puissant et plein de rock. Respect.