Scènes

Vision, un phare dans la nuit

La 26e édition du festival VISION se déroulait à New-York du 19 au 26 juin.


Organisé par l’association Arts For Art (AFA), le festival VISION célèbre l’exceptionnelle créativité artistique de la communauté africaine américaine dans ce que l’on pourrait appeler la culture Free Jazz, c’est-à-dire celle qui utilise l’improvisation pour exprimer à travers les arts une vision plus large et plus inclusive de la différence dans nos sociétés. Cette édition 2022 mettait à l’honneur le trompettiste Wadada Leo Smith et le saxophoniste Oliver Lake en leur décernant à chacun un prix consacrant l’ensemble de leur carrière. Au programme du festival on pouvait écouter des conférences, de la musique et de la poésie, voire de la danse et des arts visuels, le tout concentré sur deux lieux : The Clemente Center dans le quartier du Lower East Side à Manhattan et Roulette Intermedium dans celui de Brooklyn. Environ 140 artistes pour plus d’une trentaine de rendez-vous sur une semaine : un programme dense, éclectique et réjouissant !

Wadada Leo Smith © Eva Kapanadze

Les deux premiers jours posent les bases de ce qui va suivre en proposant une série de documentaires sur les origines du free jazz dans les années 60 et 70 : The Lost Generation : Outside the Mainstream (William Hooker), The Black Artists’ Group : Creation Equals Movement (Bryan Dematteis), The Sun Rises in the East (Tayo Giwa).

La veille du premier concert était organisée une série de conférences dont le thème portait sur l’héritage de la musique noire créative : « L’héritage de l’autodétermination » (examen des mouvements initiés par des artistes) — « Black music / White business » (l’influence des institutions dans le jazz et le free jazz) — « Liberté et spiritualité », avec la participation de William Parker, Hamid Drake et Nicole Mitchell

Anthony Ross-Allam, Nicole Mitchell, William Parker, Hamid Drake © Guillaume Petit

Le 21 juin, jour de la fête de la musique en France, on célébrait à New-York le trompettiste Wadada Leo Smith pour l’ensemble de sa carrière. Programmateur exclusif de cette première soirée du festival, son choix en terme d’orchestration s’est porté sur les percussions et sur les cordes. À la batterie Pheeroan Aklaff pour deux duos avec le trompettiste dont un hommage à Albert Ayler en début de soirée et un autre à Keith Jarrett à la fin.

Wadada Leo Smith, qui définit ses compositions comme de la « musique créative », est aussi connu pour ses écrits et ses dessins, notamment pour le langage « Ankhrasmation » qu’on peut voir sur les partitions présentes sur scène lorsque le RedKoral Quartet entre en scène. Pour ce second concert, c’est donc cet ensemble contemporain, composé de Mona Thian et Shalini Vijayan aux violons, Andrew McIntosh à l’alto et Ashley Walters au violoncelle, qui va jouer la composition intitulée « Angela Davis Into the Morning Sunlight » avant d’être rejoint par Wadada et le « Purple Kikuyu » (Pheeroan Aklaff à la batterie, Sylvie Courvoisier et Erika Dohi aux pianos) pour une pièce en tutti dédiée aux victimes du vol 93. La soirée se poursuit avec Wadada et « Purple Kikuyu » pour une pièce appelée « NYC’s Central Park in August » puis c’est de nouveau le quartet à cordes « RedKoral » et la poète Thulani Davis qui, sous la direction par signes de Wadada, vont interpréter une pièce en hommage à Billie Holiday.

De cette soirée, on retiendra l’originalité de la musique, sa poésie, la prépondérance donnée aux cordes avec une écriture aboutie pour le quartet contrastant avec un mode de jeu free chez les deux pianistes, Wadada Leo Smith qui pose des notes longues, tenues, et qui dirige l’orchestre par une série de signes simples permettant aux musiciens et à lui-même de trouver la même respiration dans l’exécution de sa musique.

Matthew Shipp Quartet © Guillaume Petit

Le lendemain, on retrouve avec grand plaisir ceux qui furent, dans les années 90, les compagnons du regretté saxophoniste David S.Ware, à savoir Whit Dickey à la batterie, Matthew Shipp au piano et William Parker à la contrebasse, chacun dans leur projet respectif. Au programme de la soirée un duo, trois trios et un quartet, chacun des projets étant accompagné par des peintures créées en direct et projetées en fond de scène. Matthew Shipp débute la soirée avec son nouveau quartet composé de Michael Bisio à la contrebasse, Jay Rosen à la batterie et un musicien que l’on verra à plusieurs reprises dans le festival ; Jason Kao Hwang au violon. La musique est dense et complexe, répétitive et tend vers l’obsessionnel.

Dans le trio mené par le batteur Whit Dickey on est face à l’essence même du free jazz avec Rob Brown sans concession au saxophone alto et Brandon Lopez à la contrebasse, très engagé physiquement sur son instrument. Ils vibrent ensemble d’une inspiration « aylérienne » et parviennent progressivement à dessiner dans l’espace les marches sonores d’un escalier qui s’élève vers la stratosphère.

Kernel est une collaboration entre la danseuse Davalois Fearon et le souffleur Mike McGinnis (saxophone soprano et clarinette basse) autour des musiques d’origine africaine telles que le reggae et le dancehall : c’est une révélation pour le public et pour ces artistes créatifs.

Moment très attendu de la soirée : le concert du Heart Trio réunissant William Parker (guembri, n’goni, raïta, saxhorn), Hamid Drake (batterie, bendir), et Cooper Moore, lequel ne jouera que des instruments qu’il a fabriqués lui-même : une harpe-cymbalum, une basse à une corde, un balafon, un orgue à bouche…

Cooper Moore, William Parker & Hamid Drake © Guillaume Petit

La réunion de ces trois musiciens fait penser aux retrouvailles des griots d’Afrique, chacun a des histoires à raconter, qu’il a vécues ou que des anciens ou des voyageurs lui ont racontées et, portant le message à toute la communauté comme ce soir à Roulette, on sent le public absorbé et transporté. Hamid Drake est cette force en mouvement qui porte vers l’avant la musique et lui donne cette énergie, il sait non seulement impulser les bonnes accentuations dans les moments charnières mais il joue aussi chaque instant en interaction avec ses partenaires, rendant l’écoute de ce musicien vraiment passionnante. William Parker est mû par la musique africaine et par les instruments d’Afrique et c’est avec plaisir qu’on l’entend jouer le n’goni ; lorsqu’il entame un morceau par un ostinato sur cet instrument, la magie opère tout de suite et le voyage peut commencer. Plus familier avec la basse des gnawas – le guembri – qu’il joue depuis longtemps, on ressent dans son jeu l’appropriation personnelle qu’il a pu faire de cet instrument. La surprise, c’est lorsqu’il empoigne une raïta et joue sans discontinuer pendant plusieurs minutes, utilisant pour cela la technique du souffle continu. Pour finir il jouera un cuivre de type euphonium avec une belle inspiration et une certaine vélocité. Cooper Moore est un musicien singulier, non seulement parce qu’il fabrique lui-même les instruments qu’il joue mais également par sa personnalité musicale : il est habité par la musique et peut tout transformer en musique. Quel que soit l’instrument qu’il utilise, il nous surprend à toujours repousser les limites ; c’est donc un plaisir rare que l’on ressent à la vue et à l’écoute de ce musicien.
C’est un voyage qui nous est proposé au carrefour des musiques du monde et du blues, des rituels et de la méditation, un message d’espoir et d’amour, une lumière dans l’obscurité.

Pour clôturer cette seconde soirée, on retrouve en trio Sylvie Courvoisier au piano et Ned Rothenberg à la clarinette basse ainsi qu’Hamid Drake à la batterie. Le clarinettiste et la pianiste collaborent depuis des années et partagent ce goût pour un langage musical « étendu » où l’immédiateté de la musique reste prépondérante. Une belle écoute entre ces musiciens aguerris pour une musique de l’instant qui passe du bruitisme au dodécaphonisme sans jamais ennuyer.

La journée suivante est placée sous le signe de la danse : la soirée débute avec le projet « 3x3 Head in the Sand » qui réunit trois danseuses (Yoshiko Chuma, Miriam Parker & Emily Mare Pope) et trois musiciens (Jason Kao Hwang au violon, Aliya Ultan au violoncelle & Steve Swell au trombone) dans une improvisation autour d‘images projetées qui montrent l’explosion atomique d’Hiroshima.

jaimie branch © Guillaume Petit

Avec « C’est Trois », on se sent connecté à la musique de notre époque. La trompettiste jaimie branch y est pour beaucoup avec un set de machines électroniques et de pédales d’effets qu’elle utilise en temps réel, parfois pour re-travailler le son de sa trompette. Elle est force de proposition et ne s’interdit rien. Luke Stewart, qui fait corps avec sa contrebasse, sait créer une tension et trouve en la personne de Tcheser Holmes à la batterie un partenaire avec qui la connexion opère.

Miriam Parker poursuit avec « Unnameable Element », un projet dans lequel elle est danseuse et vidéaste, accompagnée par Leo Chang à la voix et au piri, Chris Williams à la trompette et Lester St.Louis au violoncelle. Une belle cohésion d’ensemble pour ces artistes pour un univers sonore et visuel singulier qui pousse à l’introspection.

Autre temps fort de cette soirée, le concert du Red Lily Quartet de James Brandon Lewis qui présente l’album Jesup Wagon, un disque magnifique qui évoque la vie et l’œuvre de George Washington Carver. William Parker à la contrebasse, Chad Taylor à la batterie, une découverte en la personne de Kirk Knuffke, magnifique instrumentiste au cornet, et James Brandon Lewis au saxophone ténor.
Durant le concert c’est William Mazza qui projette peintures et montages vidéo en temps réel. On sent l’engagement total du groupe à jouer ces magnifiques compositions de James Brandon Lewis, qui excelle avec un son très large, très puissant au saxophone ténor, son instrument de prédilection, comme celui de son mentor Sonny Rollins qui reconnaît en lui l’un des saxophonistes les plus intéressants d’aujourd’hui. Le tandem qu’il forme avec Kirk Knuffke fonctionne à merveille, et c’est un régal pour les oreilles d’entendre le saxophoniste et le cornettiste jouer les thèmes des morceaux dans la même respiration, avec de magnifiques contrepoints. Chad Taylor est sur le qui-vive, vif et techniquement remarquable, et sa complémentarité avec William Parker crée un climax d’une grande vitalité pour un concert inspiré et passionnant.

Dreams of Awakening © Guillaume Petit

Pour terminer la soirée, Dreams of Awakening par l’ensemble de la flûtiste et compositrice Nicole Mitchell. On ressent l’influence du jazz des années 60 et de la soul dans cette musique impeccablement drivée par Terri Lyne Carrington à la batterie, dont la frappe sèche et précise est implacable. L’association avec l’excellent Ken Filiano à la contrebasse est très efficace et permet à Joshua White au piano de déployer un jeu très lyrique qui rappelle celui de McCoy Tyner. La talentueuse flûtiste, qui chante aussi sur plusieurs morceaux, explore ainsi avec volubilité et un altruisme certain un univers où l’improvisation reste prépondérante. Val Jeanty, aux percussions électroniques et sampler, distille avec discrétion et feeling des sons qui accrochent cette musique à l’air du temps, rendant le voyage des plus agréables.

Isaiah Collier & The Chosen Few © Guillaume Petit

En ouverture de la quatrième soirée, la découverte d’Isaiah Collier, un saxophoniste ténor venu de Chicago. Pour ce concert, il a choisi pour l’accompagner des musiciens de la scène new-yorkaise et on retrouve Luke Stewart à la contrebasse et Tcheser Holmes à la batterie, ainsi que Jordan Williams au piano. L’orchestration rappelle celle du quartet de John Coltrane, l’idole d’Isaiah Collier. Le son de son saxophone, très riche en harmoniques, fait plus penser à Pharoah Sanders, mais il cite Thelonious Monk dans son jeu, notamment des passages d’« Evidence ». On rentre dans le vif du sujet et le jeu d’ensemble devient dense sur des tempi soutenus, avec Jordan Williams au piano en constante interaction avec ses partenaires. Ensemble, ils produisent une énergie qui porte le saxophoniste à se dépasser, rendant cette première rencontre entre les quatre musiciens passionnante, imprégnée de spiritualité.

Sparks est un projet récent qui réunit Eri Yamamoto au piano, William Parker à la contrebasse, Chad Fowler au saxophone et Steve Hirsh à la batterie. Un quartet à l’instrumentation « classique » très hard-bop pour une musique pleine d’énergie, libre et aventureuse, qui rappelle celle d’Ornette Coleman.
Avec “Diaspora Meets AfroHORN”, c’est l’esprit de Sun Ra qui est invoqué. Ahmed Abdullah à la trompette et Francisco Mora Catlett à la batterie et aux percussions ont joué dans l’Arkestra de Sun Ra dans les années 70. Ce projet est un hommage à la musique du pianiste et compositeur et on est tout de suite saisi par la singularité du son d’ensemble qui rappelle celui de l’Arkestra. Le plaisir qu’ont les musiciens à partager ce moment est communicatif. On peut citer Don Chapman au saxophone baryton, Sam Newsome au soprano, Bob Stewart au tuba, Radu ben Judah à la basse, D.D.Jackson au piano, Roman Diaz aux percussions et Monique Ngozi Nri à la voix.

Angelica Sanchez est très présente sur la scène new-yorkaise depuis les années 90 et elle aime jouer en trio, preuve en est son tout dernier album paru chez Sunnyside Records avec Michael Formanek à la contrebasse et Billy Hart à la batterie. Pour le festival, c’est Hamid Drake aux baguettes pour notre grand plaisir, et la rencontre entre le batteur et le tandem Sanchez/Formanek va porter la musique à un niveau de jeu de forte intensité. Les musiciens comme le public en sortent ravis.

Pour achever cette quatrième soirée, la chanteuse et compositrice Fay Victor avec son quartet “SoundNoiseFUNK”. Garder le groove en improvisant librement : telle est l’idée pour cette formation dans laquelle on retrouve Sam Newsome au saxophone soprano, Joe Morris à la guitare et Reggie Nicholson à la basse.

Myths of Origin © Guillaume Petit

En ouverture de cette avant-dernière soirée, « Myths of Origin », le grand orchestre de Jason Kao Hwang, violoniste que l’on a pu écouter avec plaisir à diverses reprises durant le festival. Ici, il ne joue pas mais dirige 26 musiciens à l’aide d’un lexique de signes simples et qui permettent à ces derniers d’improviser. Inspirée par le jazz, le classique, le funk et les musiques du monde, la musique se transforme en temps réel pour le plus grand plaisir des spectateurs.
« Knife & Rose » réunit Ellen Christi et Jean Carla Rodea au chant, Patricia Nicholson à la danse et au texte, et Francisco Mela à la batterie. Comment se battre avec beauté face à l’adversité en posant des actes, des sons et des mouvements dans l’espace, c’est la position qui réunit ces artistes dans ce ballet intemporel.

Watershed nous propose une orchestration singulière avec Steve Swell au trombone, Karen Borca au basson, Rob Brown au saxophone alto, Melanie Dayer à l’alto, Bob Stewart au tuba, TA Thompson à la batterie et Dave Burrell en guest au piano. Le septet emprunte les voies navigables de l’improvisation avec une très belle écoute entre les musiciens, et une tension bien soutenue tout au long du set. On imaginerait bien la voix de Tom Waits accompagnant la troupe.

Natural Information Society © Guillaume Petit

Depuis 2010 et sous l’impulsion de Joshua Abrams à la contrebasse et au guembri, la Natural Information Society (N.I.S.) navigue dans des formes qui mettent l’accent sur l’écoute collective et la simultanéité, tout en construisant un espace qui soit à la fois méditatif et propulsif. On trouve Lisa Alvarado à l’harmonium, Jason Stein à la clarinette basse, Mikel Patrick Avery à la batterie, et en guest pour ce concert William Parker au n’goni et au guembri ainsi que Hamid Drake au bendir. Décrit comme du minimalisme extatique, le son multi-couches de ce groupe se transforme vite en irrésistible musique de transe.

Pour le dernier jour du festival, on change de décor et les concerts ont lieu dans la cour extérieure du théâtre Clemente. En collaboration avec le conservatoire de Brooklyn et l’institut pour une éducation collaborative, c’est l’orchestre des jeunes âgés de 5 à 11 ans qui débute (le MIM Vision Ensemble). Conduit par William Parker, on entend vite que la relève est assurée.

Oliver Lake © Eva Kapanadze

Cette journée spéciale est dédiée à Oliver Lake pour sa vie et sa carrière consacrées à la musique. C’est d’abord son ami JD Parran qui va jouer la musique d’Oliver Lake. Tous deux originaires de Saint-Louis et membres fondateurs du B.A.G. (Black Artist Group) au début des années 70, ils ont contribué à créer le son free jazz de New-York. On retrouve pour ce projet Gwen Laster au violon, Kelvyn Bell à la guitare, Bill Lowe au trombone basse, Howard Greene à la contrebasse et Gene Lake à la batterie. Les danseuses Miriam Parker, Devalois Fearon, Patricia Nicholson, ainsi que Jason Jordan interviennent également tout au long du concert. JD Parran joue du saxophone soprano ainsi qu’un magnifique et imposant saxophone basse. On voyage beaucoup avec cette musique, de la jungle d’Amazonie à la jungle urbaine : c’est une captivante découverte de l’univers d’Oliver Lake.

“JUSTICE” est le nouveau projet musical et vocal d’Oliver Lake. Très empreint de poésie, ce projet réunit un trio vocal (Sonic Liberation Voice) avec Chaela Harris, Ravi Seenerine et Shanon Chua et le Sonic Liberation Front avec Kevobatala à la batterie, Elliot Levin au saxophone ténor, Veronica Jurkiewicz au violon, Matt Engle à la contrebasse et Jameka Gordon à la flûte. C’est un voyage dans l’intimité d’Oliver Lake et il en est le guide.

Avec le ”Trio 3”, c’est un retour aux sources pour Andrew Cyrille à la batterie et Reggie Workman à la contrebasse, Oliver Lake étant le récitant de ses propres textes, poésies et réflexions concernant la question noire aujourd’hui aux U.S.A. Plus de 35 années d’un travail en commun pour ces trois artistes remarquables qui ont été des pionniers à leur époque, et qui sont aujourd’hui devenus des modèles.

World Saxophone Quartet © Eva Kapanadze

Encore un moment très attendu de la soirée pour les amateurs de saxophone et dernier concert du festival “VISION 2022”, le World Saxophone Quartet entre en scène. Au saxophone ténor et à la direction David Murray, au saxophone alto Greg Osby, au soprano et à l’alto Bruce Williams et enfin James Carter au saxophone baryton. Ce quartet, qui existe depuis 1976, est une référence mondiale en la matière. Les influences du groupe prennent leurs racines dans le free jazz, avec des musiciens comme Ornette Coleman ou Albert Ayler, mais il est possible de reconnaître l’intégration d’éléments de styles variés, comme le bebop ou le swing. Un concert-événement dédié à Oliver Lake, lui-même membre du groupe lors de sa création, avec Julius Hemphill, Hamiet Bluiett et David Murray. Moment rare et émouvant que ce concert du World Saxophone Quartet : le niveau de jeu est vraiment très bon et le public est ravi, l’énergie est communicative et des spectateurs se mettent à danser. James Carter est en verve, mais ses aînés le sont aussi pour un concert en plein air de grande qualité. Oliver Lake, ému, remercie ses camarades pour l’offrande de cette musique, et c’est ainsi que s’achève la 26e édition du festival “VISION”.

jaimie branch © Eva Kapanadze

Qualité artistique, éclectisme, originalité des mises en scène, générosité des artistes, c’est bien au “VISION” festival de New-York qu’il faut venir voir et écouter l’exceptionnelle créativité de la communauté africaine américaine. Non, le free jazz n’est pas mort avec la crise de la Covid-19 et cette 26e édition du festival est bien la preuve qu’il ne peut pas mourir dans cette Mecque de la musique qu’est New-York City.
C’est grâce au travail fantastique de l’association Arts for art que cette forme de culture qu’est le free jazz peut perdurer et il faut citer Patricia Nicholson pour son implication totale dans le déroulement du festival, à la fois organisatrice, présentatrice des soirées, mais avant tout danseuse et chorégraphe de talent. De même Todd Nicholson, contrebassiste devenu le principal régisseur du festival, qui fait le lien entre les différents acteurs de cette grande et belle communauté du “VISION” festival, un événement à taille humaine où la frontière entre les artistes et le public est abolie.