Jazz à Vienne 2012 (11) - 14 juillet
Stéphane Belmondo, vedette américaine d’une Melody Gardot millimétrée
Dans un Théâtre antique venu avant tout pour la chanteuse, le trompettiste, escorté d’un somptueux trio, a livré en première partie un concert abouti, tout en nuances extrêmes, rendant hommage aux musiques qui ont escorté les pas de ce musicien entier.
Un show millimétré, mûrement réfléchi, répété, installé en détail. Du maquillage des deux choristes jusqu’au piano (la chanteuse a opté pour un Steinway), de la sonorisation au déroulé des morceaux en passant par toute une chorégraphie d’allées et venues, de pas de deux, de trois ou de six… Sans parler des intermèdes qui permettent à la belle de souffler ou de quitter sa robe écarlate pour une autre, plus robe de soirée, voire de nuit.
Bref, Melody Gardot a soigné son passage à Vienne, d’autant qu’il s’agissait de son premier concert au Théâtre antique, comme elle nous l’a confié. Résultat (bien qu’elle soit déjà passée il y a quelques mois à Lyon), les gradins n’étaient pas loin d’afficher complet. Le show sera à peu près à la hauteur, même s’il y manquait ce je ne sais quoi qui emporte l’adhésion totale.
Là où d’autres envoient en reconnaissance leur rythmique ou leurs cuivres voltigeurs, Melody, elle, profite du « noir » pour venir se planter à l’avant-scène et se mettre à chanter armée de son seul micro pour un ête-à-tête avec un théâtre dissipé. Effet garanti. Dès lors, rien ne viendra plus troubler le bel ordonnancement du show. Car cette jeune femme (27 ans) a indéniablement du savoir-faire. Il est vrai qu’elle est bien entourée, notamment par un saxophoniste omniprésent et un guitariste aguerri, mais aussi une paire inattendue contrebasse-violoncelle qui permet de varier les effets à l’infini. Ajoutez à cela des arrangements superbes. Mais, au total, peut-être gagnerait-elle à se présenter dans des ambiances plus intimistes.
- Photo Emmanuelle Vial
Stéphane Belomondo, preux du bugle
En première partie, Stéphane Belmondo. Problème. Comme le lendemain soir, le public est d’abord venu pour la chanteuse, et on peut se demander s’il sera d’emblée sensible aux atmosphères du trompettiste. La partie n’est pas gagnée ; scène et musiciens émergent à peine du soleil couchant et ce soir-là, les VIP ou supposés tels sont particulièrement nombreux. Or, ce n’est jamais du public le plus attentif…
Quoi qu’il en soit, tel n’est pas l’avis de Belmondo, qui exprime seulement son « immense bonheur » d’être invité au Théâtre antique, et surtout d’y revenir avec un album sorti l’an passé, The Same As it Never Was Before, et qui est lourd de sens pour lui. Près de lui, avec lui, les trois musiciens qui faisaient partie de l’aventure discographique et partagent son univers stylistique : le jeune contrebassiste Sylvain Romano et deux vieilles connaissances dont la présence n’a rien d’anodin. Parce qu’ils ont escorté tant de pointures des deux côtés de l‘Atlantique, parce qu’ils ont eux aussi accumulé les expériences, rencontres et projets tout au long de leur carrière : Billy Hart aux drums et Kirk Lightsey au piano comme à la flûte.
Il n’est jamais simple de commencer la soirée sur une scène où les éclairages semblent n’avoir aucune prise, supplantés par un coucher de soleil qui s’amuse à faire son petit effet derrière les musiciens. Mais c’est aussi pour cela le concert prend des allures de révélation à mesure que son « chant » prend de l’ampleur et roule sur fond nocturne. Belmondo n’en est pas à son coup d’essai ; certains spectateurs doivent se souvenir d’un spectacle monumental, dans de tout autres conditions (gratuit), il y a trois ans à Lyon. Ou de ses autres concerts, d’ailleurs, partout où il a été invité. Mais à Vienne, ce quartet rare va livrer un de ces sets denses et sincères de bout en bout, qui va peu à peu imposer au public du Théâtre antique une fusion musicale à laquelle il ne s’attendait certes pas.
De Belmondo, on aura tout retenu : un son précis, posé, concentré, une expression musicale tout en nuances, dont la discrétion incite à retenir son souffle. Sur des compositions pour une large part puisées dans l’album suscité ou sur quelques reprises (Stevie Wonder…), il a retenu notre attention de bout en bout, à la trompette certes, ou à la conque (genre XXL), mais surtout au bugle, trait d’union ténu entre le quartet et une assistance séduite par la conviction du propos et l’originalité de l’approche. Car le quartet joue soudé, s’en donne à cœur joie et aime révéler des facettes inattendues, en se réduisant par exemple au trio lorsque Lightsey abandonne le piano pour improviser à la flûte. On sent ici la plus grande liberté, pour soi et pour les autres ; et avec une telle rythmique, rien ne peut arriver sinon la volonté d’aller puiser toujours plus loin l’inspiration, jusque dans l’inconnu.