Scènes

Jazz à Vienne 2012 (4) - 4 juillet

Soirée Hamasyan + Metheny : des cordes très contrastées


Si la soirée du mercredi 4 juillet 2012, consacrée au pianiste arménien Tigran Hamasyan, d’une part, et d’autre part au guitariste américain Pat Metheny, est d’excellente facture, elle se révèle tout de même contrastée : autant Pat parvient à nous faire décoller, autant Tigran nous laisse sur le plancher des vaches…

Avec ces deux musiciens d’exception, c’est peu dire que ce plateau était attendu. Peut-être trop en ce qui concerne le jeune prodige Tigran Hamasyan en résidence à Vienne pendant les quinze jours du festival. Une présence tous azimuts souhaitée par Stéphane Kochoyan, directeur de Jazz à Vienne, qui l’a rencontré quand il avait douze ans, lors d’un festival à Erevan, et qui lui a longtemps servi de mentor. Kochoyan lui a demandé cette année d’animer une master-class. Il se produira aussi le lendemain au cabaret jazz, le « Club de Minuit », en compagnie du quartet de Lars Danielsson ; pour finir il sera accueilli le 11 juillet au Jazzmix, la scène gratuite groove où il jouera en compagnie du groupe régional Fowatile. Bref, il est partout, et cette forte présence appréciée par l’importante population d’origine arménienne de la ville (près de 8 % de ses 30 000 habitants). Et en particulier, en cette soirée du mercredi 4 juillet, Tigran Hamasyan est aussi ce soir là sur la scène du théâtre antique, en première partie de soirée. Accompagné de son trio, il interprète les principaux thèmes de son dernier disque, A Fable, qui tire l’essentiel de son inspiration de la musique populaire arménienne.

Tigran Hamasyan © Dominique Largeron

Il interprète également une berceuse arménienne enregistrée quelques semaines auparavant lors du festival de Jazz de Francheville, dans la banlieue lyonnaise, et n’hésite pas en finale à sa lancer dans une version très personnelle d’« Un jour mon prince viendra » ! Paru en janvier dernier chez Verve, A Fable veut rendre un hommage onirique et par moments mélancolique aux contes et fables qui nourrissent l’imaginaire arménien depuis des siècles. Tigran y joue du piano, bien sûr, mais chante aussi, ou plutôt vocalise. S’il semble totalement en phase avec son « arménité », celle-ci ne prend malheureusement pas une couleur universelle. Il a beau cogner parfois très (trop) fort sur de son Bösendorfer - qu’il martyrise quelque peu -, et même si on le sent « dedans », transporté, l’émotion ne passe pas. Il se meut dans un univers qui lui est propre, très particulier, mais sans emmener le public avec lui (près de cinq mille festivaliers ce soir-là).

Le lien s’établira beaucoup plus facilement avec le guitariste américain Pat Metheny, vieil habitué de Jazz à Vienne qui donne sans doute ce soir une de ses meilleurs prestations. Généreux, à la fois grimaçant et extatique, il dégage une énergie jubilatoire. Il est aux anges. Les festivaliers aussi. Metheny est en symbiose parfaite avec son PM « Unity Band » au moteur chicano ; son jeu de guitare se fond dans celui d’un Chris Potter (saxophone) survolté, Ben Williams à la contrebasse et Antonio Sanchez à la batterie mettant le feu à tous les étages.

Pat Metheny Group © Dominique Largeron

Pour débuter, Pat Metheny joue avec un art consommé de sa guitare à cinq pattes, en l’occurrence une quarante-deux cordes acoustiques qu’il est sans doute un des seuls au monde à pouvoir maîtriser. En fin de concert, il jouera aussi d’un invraisemblable dispositif électronique, un bric-à-brac fait d’ustensiles divers et variés au sein duquel des bouteilles de cristal ou un accordéon répondent aux accords de sa guitare : son étonnant Orchestrion. Bien dans la veine de ce natif du Missouri, dont chaque passage à Jazz à Vienne est une excellente surprise.


Line-up 1- « Tigran Hamasyan trio » : Tigran Hamasyan (p), Sam Minaie (b), Nate Wood (dms).

Line-up 2- « Pat Metheny Unity Band » : Pat Metheny (g), Chris Potter (s), Ben Williams (b), Antonio Sanchez (dms).