Chronique

Jean-Pierre Jullian quintet

Forêt Lacandone

Guillaume Orti (as, bs), Tom Gareil (vib, mar), Etienne Lecompte (fl), Claude Tchamitchian (b), Jean-Pierre Jullian (dms)

Label / Distribution : Mazeto Square

Quelques années après Ma y Ma, opportunément ressorti il y a quelques mois sur le luxueux label Mazeto Square, le batteur Jean-Pierre Jullian présente avec Forêt Lacandone le troisième volet d’une œuvre consacré au Chiapas. L’équipe a changé, même si le vibraphoniste Tom Gareil conserve son importance cruciale dans un quintet qui a enregistré à la Buissonne une suite très écrite. On est heureux de retrouver le saxophone de Guillaume Orti pour donner la réplique à la flûte insatiable d’Etienne Lecomte dans le premier mouvement d’une suite organisée en seize parties assez courtes ; on retrouve dans l’écriture de Jullian ce liant et cette vigueur qui avaient déjà fait mouche avec Ma y Ma, mais le propos de Forêt Lacandone est sans doute plus aérien : le second mouvement, où les ruptures de rythme sont légion, offre aux soufflants beaucoup d’espace.

Le sujet y est sans doute pour beaucoup : après une réflexion plus politique sur le Sous-commandant Marcos et les luttes au Chiapas dans Ma y Ma, c’est à la forêt primaire, berceau de cette rébellion, que s’attache cette dernière partie. Les musiciens en sont les acteurs. On ne s’étonne guère, ainsi, de retrouver Claude Tchamitchian, attentif à faire parler toutes les extrémités du bois de sa contrebasse. Le batteur et son contrebassiste sont la forêt, sa densité, mais Tchamitchian sait faire aussi parler la terre, au plus profond de sa basse, dans une approche assez figurative où les marimbas de Gareil font aussi sonner le bois, à l’image de ce qu’on entend dans le huitième mouvement.

La Forêt Lacandone de Jean-Pierre Jullian est un être vivant. Un biotope des plus vivaces. Si chacun des musiciens y prend son rôle, c’est bien l’écriture du batteur, sophistiquée et conçue comme une mécanique de précision, qui est à l’œuvre, comme on l’entend dans le onzième mouvement, lorsque le saxophone de Guillaume Orti se saisit d’une tournerie subtile agencée par les percussions de Gareil et Jullian. Avec Forêt Lacandone, nous ne sommes pas transportés dans une jungle tropicale hostile où l’on s’abandonne, mais on survole au contraire un joyau de verdure où tout semble s’organiser avec douceur. Le propos de Jean-Pierre Jullian tient de la déclaration d’amour à un lieu qu’on se plaît à visiter.