Chronique

Bruno Angelini

Nearly nothing, almost everything

Bruno Angelini (p), Régis Huby (v), Claude Tchamitchian (cb), Edward Perraud (dms)

Label / Distribution : La Buissonne / Harmonia Mundi

Le pianiste Bruno Angelini poursuit l’aventure d’un quartet fondé en 2014 et qui propose aujourd’hui son troisième disque. Après Instant Sharing en 2015 qui avait posé les bases d’une grammaire délicate où les articulations feutrées des musiciens ouvraient à une langue poétique fortement évocatoire puis un Open Land tout aussi diaphane et de qualité, quoique manquant sans doute d’un propos saillant, il revient avec Nearly nothing, almost everything qui, à sa manière, pousse plus loin le dessein posé par cette formation.

En prenant comme point de départ quelques textes de poésie minimaliste (Angelini cite Ada Mondès, William Carlos Williams, Chandak Chattarji, Lydia Vadkerti-Gavornikova, Jacob Nibénegenesabe) qu’il ne choisit pas d’illustrer mais de donner une variation sonore, le pianiste est un peintre paysagiste où chaque intention instrumentale, choisie avec précision et précaution, donne une inflexion propre à un tableau à la beauté vibratoire. Laissant osciller un lyrisme rentré entre le temps et l’espace, ou plutôt, à cet endroit où le temps longuement étiré devient une donnée géographique, les compositions ouvre à des mondes fauves ou en clair-obscur que chacun habite avec soin. La peau de batterie frottée d’Edward Perraud, un trait de contrebasse de Claude Tchamitchian sont des objets sonores qui peuplent avec justesse ces dimensions en suspend.

Pourtant, au long de ces huit ans d’expérience commune, une synthèse s’est crée qui est la véritable nouveauté de ce répertoire. Les mélodies se font à la fois plus précises et plus diaphanes. On les ressent plus qu’elles ne s’imposent, elles offrent toutefois un sens au morceau dans lequel l’oreille s’engage avec confiance. Dès lors, inutile d’en ajouter, il suffit aux quatre membres qui jouent en harmonie de se glisser au même titre que l’auditeur dans la musique convoquée. Le piano d’Angelini sur « Wild Wanderings », s’évade lors d’un court solo qui structure intelligemment le morceau, tandis que les cordes d’une élégante gravité de Régis Huby, ne joue pas de surenchère sur le « At dawn » et viennent poser une dramaturgie équilibrée.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 26 février 2023
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