Chronique

Joce Mienniel

Tilt

Joce Mienniel (fl, synth analog), Guillaume Magne (g), Vincent Lafont (p élec), Sébastien Brun (d)

Label / Distribution : Drugstore Malone

Depuis la création du quartet en 2014, Vincent Lafont a remplacé Jozef Dumoulin, mais c’est bien sur ce disque que l’on retrouve enfin, plus d’un an après, l’enregistrement complet du projet, mis en forme et finalisé avec précaution. En effet, dans l’entretien qu’il accordait à Citizen Jazz à l’époque, Joce Mienniel envisageait déjà tout ce que l’on retrouve à l’écoute de Tilt aujourd’hui, son goût pour les curiosités, l’accent mis sur la couleur noire dont la citation de Cormac McCarthy [1] orne l’intérieur du disque, la prégnance des sonorités urbaines, mais aussi celles de grandes étendues désolées et désertiques (Sergio Leone n’est pas loin), le jeu dans la durée, calqué sur les ragas indiens, le découpage en séquences, les tempi lents, les sonorités vintage… bref, le parfait gentleman, celui qui ne court jamais.

Quelle est cette ville chauffé à blanc dans laquelle on déambule – on titube plutôt – hagard et harassé par une chaleur suffocante ?
La scénographie présente une « Ouverture », puis trois suites identifiées, chacune en trois mouvements ( « Le Son Des Villes » , « Neon Metropolis Offshore » et « A Flower From The City Beneath ») et un « Epilogue ». On y respire des atmosphères métalliques, chimiques, telluriques et toutes sortes d’analogies de ce genre, on y traverse des quartiers mal famés - les semelles collant sur l’asphalte brûlant, on plonge dans des cités englouties et plus encore, tant la lenteur - le ralenti même - les timbres et textures des morceaux portent en eux une force évocatrice totalement cinématographique.
On peut lui donner tous les noms qu’on veut, cette musique n’existe que dans notre tête. Elle passe, hypnotique et asphyxiante, comme une montée sous influence, comme une bouffée d’air vicié. Un brin mystérieuse aussi, comme si son auteur vous chuchotait Asa Nisi Masa dans le creux de l’oreille…

par Matthieu Jouan // Publié le 22 mai 2016

[1« Le noir dans lequel il se réveillait ces nuits-là était aveugle et impénétrable. Un noir à se crever le tympan à force d’écouter. »