Chronique

Radiation 10

Bossa Super Nova

Aymeric Avice (tp), Fidel Fourneyron (tr, tuba), Hugues Mayot, (s, cl), Clément Janinet (v), Julien Desprez (g), Benjamin Flament (vibraphone), Bruno Ruder (Fender Rhodes), Joachim Florent (db), Emmanuel Scarpa (dr)

Label / Distribution : Coax Records

Bossa Super Nova est une magnifique suite orchestrale construite en forme d’ellipse ayant pour sommet une longue pièce centrale où s’étalent toutes les couleurs de l’orchestre, où vibrent tous les timbres. Composés collectivement, les dix morceaux sans titres s’enchaînent sans heurt.

Radiation 10, grande formation de jazz et musique improvisée au parcours exemplaire, propose ici un ensemble homogène, dense et touffu mais où les solistes ont leur place, où les discours sont libres - on les entend à chaque instant, les uns après les autres.

Beaucoup de points communs, entre ces passages de relais, ce soutien permanent d’un collectif à l’écoute, avec un orchestre comme celui de Duke Ellington. Même adéquation entre l’écriture et un musicien bien particulier, plus qu’un instrumentiste interchangeable. Même attention portée aux timbres, aux couleurs imaginaires. Même fidélité au rythme et à la pulsation, ressentis comme le ressort interne de la mécanique d’écriture. Et en la matière, le vibraphoniste Benjamin Flament occupe une place de choix, formant avec le batteur Emmanuel Scarpa le moteur de cette grosse machine. On peut également noter, pour étayer encore cette comparaison, le choix d’une instrumentation originale pour un grand orchestre de ce type, qui comporte un violon, un vibraphone et un Fender Rhodes.

La musique ne quitte jamais vraiment la sphère d’un jazz presque classique dans sa couleur mais très énergique dans son traitement rythmique. Lors des grandes cavalcades de certaines pièces, ce sont les big bands des ballrooms qui sonnent à nos oreilles. Quand le propos s’adoucit en petites pièces pour cordes, on se retrouve dans l’ambiance feutrée d’un club… Le passage de la quatrième à la cinquième piste — l’acmé mentionnée plus haut — en est la meilleure illustration. Clarinette à la Barney Bigard, trombone à la Lawrence Brown, l’introduction s’étire en croissance, crescendo et accelerando pour transformer le motif de base en bourdonnement éclatant sur lequel Bruno Ruder pose un solo inspiré. Le morceau se termine sur les riffs cinglants d’un tutti de cuivres et de cordes. C’est jouissif, puissant et éclatant. Que demander de plus ?

Ajoutez à cela un mixage réussi qui permet d’entendre chaque note et de saisir le propos dans son ensemble, et vous avez la certitude que ce disque plaira autant aux avant-gardistes postmodernes qu’aux néo-classiques conservateurs… un compromis difficile par les temps qui courent.

par Matthieu Jouan // Publié le 27 mai 2013
P.-S. :

Compositions écrites et arrangées par Radiation 10.