Scènes

You sous les platanes

Premier soir de concert de la courte édition du festival, en août 2020 à Crest.


Prenant le temps d’un espace commun, Crest Jazz prend la parole et perd le cri de la crise sanitaire : le festival prévu n’aura pas lieu en 2020 mais l’heure est au partage pour trois soirs de concert.

La collégialité, qui dès à présent officie au règlement de la nouvelle association (Crest Jazz Vocal devient Crest Jazz), pense avec son temps et ses espaces. La musique se fera, la musique s’entendra. A Crest, nul bénévole n’est au service d’un festival verrouillé, les lieux ne sont pas pris en otage et les conditions sanitaires sont mises en œuvre.
Le site du festival se renouvelle, il retrouve la cour d’école des premiers temps. Là, j’avais en 1985 assisté à un concert vocal avec Manu Dibango. S’il ne me vient aucune comparaison avec le trio You, le changement d’esthétique visuelle entre les deux soirées est fulgurant. La mise en scène des corps et en particulier de celui des femmes s’est considérablement modifiée. Force est de constater que la fin de certaines représentions codées n’ôte rien aux plaisirs sensibles.

You photo C Charpenel

Échos futurs entraînant le possible. Là et ailleurs, semble nous dire le trio You. Si le son est parfois folksong, un univers narratif rock-jazz s’ouvre avec le jeu du guitariste Guillaume Magne : rauque, Bayou, des riffs à la Hendrix, sa technicité lui permet de jouer basse et guitare sur le même instrument. « J’ai écrit la musique et le son a sonné rock » nous dit Héloïse Divilly, pour chaque morceau l’orchestration donne son grain. « La richesse des harmonies » offre des ballades, chanteuse et guitariste courent les chemins tandis qu’Héloïse à la batterie découpe les phrases, joue sur la force cinglante de la clarté. Mais la guitare brouille les pistes, phrases de souffle, phrases de rythme, à la voix Isabel Sörling s’élance vers l’horizon. Ses réverbérations ne nous enfouissent pas sous leur halo ; d’un lyrisme bondissant, la chanteuse arme sa voix et le jeu mélodique de Guillaume sort des rails.

C’est avec joie que le chemin des concerts s’est ouvert, avec des influences multiples comme chaque (ou presque) concert de jazz.