Chronique

Ludovic Ernault Quartet

Live

Ludovic Ernault (as), Enzo Carniel (p), Florent Nisse (b), Simon Bernier (dm)

Label / Distribution : Fresh Sound Records

C’est en 2019, à l’espace Sorano de Vincennes, que le saxophoniste Ludovic Ernault a enregistré ce concert avec son quartet. Le live permet, encore plus que l’enregistrement studio, de saisir la maestria du groupe. Car ce sont bien les interactions qui comptent ici : les intentions mélodiques et rythmiques des membres du quartet sont au service d’un propos commun qui, quelque part, les dépasse. Les solos qui émergent des échanges sont le prélude à autant de mises en abyme poétiques. Entre la quête rare d’un art du contrepoint inspiré par Lee Konitz, les cadences harmoniques décalées qui fleurent bon leur Monk, les arpèges renversants à la manière plus moderne d’un Mark Turner, les titres débordent d’une émotion jazzistique peu commune.
Ainsi notamment de « Mars », fondé sur une grooverie sidérante - mention spéciale pour la rythmique, avec une batterie omniprésente jusque dans les silences et une contrebasse délicatement furtive - ou bien encore d’« Hommages », dont l’introduction semble hantée par le spectre d’un Lennie Tristano, qui fut lui-même le mentor de Konitz : Enzo Carniel y déploie un art de l’évanescence qui conduit le groupe dans une spiritualité sans fard. Parenthèse hors du temps : le duo saxophone/piano, intitulé « Reina », seul titre à n’avoir pas été capté live, déploie des vagues oniriques à même de transporter l’auditoire dans un autre univers. Plus que la simple retranscription d’un répertoire éprouvé en tournée, ce disque est une invitation dans l’imaginaire d’un groupe singulier et novateur dans le paysage européen.