Chronique

John Scofield

Quiet

John Scofield (g) ; Wayne Shorter (ts) ; Steve Swallow (b) ; Bill Stewart, Duduka Da Fonseca (d) ; Randy Brecker (tp, flugelhorn) ; John Clark, Fred Griffen (french horn) ; Charles Pillow (alto fl, english horn, ts) ; Lawrence Feldman (alto fl, fl, ts) ; Howard Johnson (tuba, baritone sax) ; Roger Rosenberg (bass cl)

Label / Distribution : Verve / Universal

Entre les expérimentations électriques, voire électroniques, de John Scofield (Überjam, Up All Night) et ses pérégrinations aux sonorités plus traditionnelles (Oh !, Works For Me et le récent En Route), revenons un moment sur le disque Quiet, paru en 1996. Premier enregistrement de Scofield pour Verve, Quiet est l’occasion pour le guitariste touche-à-tout de s’aventurer dans deux zones nouvelles pour lui : tout d’abord, le jeu à la guitare acoustique aux cordes nylon. Il n’a pas l’habitude d’en jouer mais suite à une conversation avec Pat Metheny, qui lui explique qu’il en a toujours une dans ses bagages lorsqu’il est en tournée, Scofield tente l’expérience. Seconde innovation, la section de cuivres, pour laquelle Scofield a écrit les arrangements lui-même - outre le fait qu’il a également composé tous les morceaux de l’album, excepté « Away » composé et arrangé par Steve Swallow. La section de cuivres est appréhendée comme un musicien à part entière et non pas, comme on le voit malheureusement trop souvent, comme un artifice d’embellissement qui vient s’ajouter, se surexposer à la musique. Au-delà du travail d’écriture évoqué précédemment, cette approche se traduit également dans l’enregistrement, effectué en studio avec la totalité des musiciens simultanément, sans re-recording.

Sur le papier, le programme est donc alléchant. À l’écoute, il tient ses promesses, et même davantage. Scofield se caractérise par son style légèrement « out », une clarté et une précision facilitées par la guitare acoustique, ainsi que par de subtiles mises en retrait lors des interventions de Steve Swallow (« After The Fact ») ou Wayne Shorter. Ce dernier bénéficie de trois morceaux composés spécialement à son intention : « Away With Words », « Door #3 » et « But For Love » ; le premier, notamment, est l’occasion pour le saxophoniste de tirer de son instrument quelques plaintes d’une beauté à briser le coeur.

Mais au-delà de la connivence des musiciens principaux, ce sont les arrangements écrits par Scofield qui permettent au disque de toucher au sublime. Ces parties de cuivre sont particulièrement brillantes, très riches et polyphoniques, mêlant de brefs motifs répétitifs et de vastes nappes illustrant à elles seules le calme du titre, ou sont au contraire plus dynamiques et parfaitement soutenues par la batterie de Bill Stewart (« Hold That Thought ») afin d’insuffler une puissance progressive aux morceaux, que ceux-ci soient dans le style ballade (« Away With Words », « Bedside Manner »), latin (« Tulle ») ou swing (« Rolf And The gang »).

Il y a un petit autocollant sur le boîtier du disque. Il y est écrit acoustic guitar + large ensemble + Wayne Shorter = masterpiece. Ce n’est pas un mensonge.