Chronique

Julien Brunetaud trio

Feels Like Home

Julien Brunetaud (p), Sam Favreau (b), Cédrick Bec (dm)

Label / Distribution : Fresh Sound Records

Toute la musique qu’il aime, Julien Brunetaud, elle vient du blues. Pas étonnant pour ce natif d’Agen qui s’est retrouvé à accompagner BB King ou Chuck Berry (entre autres). Alors jouer modal, ça le titille. Sur ce cinquième album sous son nom, à la prod’ impec (comme toutes ces pépites issues du studio Éole, de Ben Rando, quelque part dans la campagne aixoise), ce pianiste - il ne chante pas sur ce disque, au contraire des précédents - désormais quadragénaire, installé depuis peu à Marseille, déroule des phrasés gorgés de blue notes.

Les compositions lorgnent vers la soul (méchante version de « Let It Be » des Beatles avec un arrangement plus groovy tu meurs, « Peace », méchamment preacher), sans négliger quelque appétence impressionniste façon McCoy Tyner, pour mieux déployer un rythm’n’blues (on pourrait même parler de rock’n’roll) aux multiples facettes (façon Professor Longhair, le mythique pianiste de la Nouvelle Orléans qui jouait du piano vaudou).

Bien vu ce léger décalage main gauche, façon Erroll Garner, remarquablement souligné par la paire rythmique Bec/Favreau pour qui le groove et le swing n’ont plus de secret - car, comme tout le monde le sait, ces derniers ont été inventés dans leur Marseille d’origine. D’ailleurs, Brunetaud a composé deux pièces consacrées à la cité phocéenne, dont un impétueux « Red Point’s », en référence au quartier de la Pointe Rouge où il réside, et une superbe ballade monkienne, « Le Grand Bleu », un hommage à Mare Nostrum.
Séduit par le côté lumineux de sa ville d’adoption, on se dit, à l’écoute de ces plages enjaillées, que lorsqu’il en découvrira le côté sombre, ça fera vraiment mal - car le meilleur du jazz vient ici aussi des bas-fonds, qui en sont l’une des origines dans la ville. Dans tous les cas, ce « Feels Like Home » nous invite dans une maison ensoleillée, aux fondations musicales solides qui permettent à ses murs de danser, et à ses habitant.e.s et invité.e.s de rêver à des lendemains qui chantent (blues bien sûr), grâce à ses fenêtres grandes ouvertes sur des horizons musicaux aux nuances bleutées comme le jazz et la Méditerranée…