Chronique

Louis Armstrong

24 avril 1962 Live in Paris

Louis Armstrong (tp, voc), Trummy Young (tb), Joe Darensbourg (cl), Billy Kyle (p), Bill Cronk (b), Danny Barcelona (ds), Jewel Brown (voc)

Label / Distribution : Frémeaux & Associés

Un live de Pops et son gang à l’Olympia en avril 1962 : alléluia !

Le concert, désormais archivé dans la collection « Live in Paris », dirigée par Michel Brillié pour Frémeaux et Associés, commence par un manifeste pour le droit à la paresse : sur « When It’s Sleepy Time Down South », Louis Armstrong chante avec toute sa joie de vivre cette revendication au repos du peuple afro-américain. On sent le peuple parisien du jazz transporté par son idole, guidé par un prophète de l’émancipation hors des ténèbres de ce début des années soixante (le spectre de la guerre d’Algérie rôde encore, malgré des accords d’Evian signés un mois auparavant, et les fascistes de l’OAS sont plus que jamais actifs). Pourtant, le couvercle de la cocotte autoritaire explose sous les hymnes du groupe.

Bien sûr, il s’agit de « vieux style » Nouvelle-Orléans, agrémenté de spirituals et de quadrilles, donnant la part belle aux tuilages des improvisations collectives en section de cuivres et anches dans lesquelles se fond avec délices la trompette du Roi Louis.

Ce tropisme néo-orléanais est renforcé par le jeu pimenté (pour ne pas dire « hot ») du batteur, Danny Barcelona, qui sait doser à merveille les effets de timbre de son instrument, alternant peaux et cymbales où il faut quand il faut. Et pourtant, c’est lui qui donne au groupe les premières inflexions bop, par un jeu incisif de charleston qui rappelle Max Roach, qu’il révérait. Il ne s’agit pas tant d’incursions dans une modernité illusoire que d’instants d’éternité du jazz.

Le contrebassiste Bill Cronk prend des chorus qui sont autant de clins d’œil aux ruptures du jazz présumé moderne, cependant que le pianiste Billy Kyle alterne jeu percussif main gauche et renversements main droite à la manière d’un Bud Powell, dont il fut l’un des inspirateurs. Dans un même ordre d’idées, il ne faudrait pas interpréter le jeu du clarinettiste, Joe Darensbourg, avec la colonne d’air de son instrument (slap-tongue) comme un îlot de modernité dans une mer délicieuse de tradition mais bien plutôt comme un éternel retour aux sources autodidactes de la pratique de cet instrument dans la tradition percussive afro-américaine (il fut notamment l’élève du légendaire Alphonse Picou, premier maître ès musique créole). Autre précurseur du bebop, le tromboniste Trummy Young, en quelque sorte « coleader » de la troupe, enfile les perles avec force effets de slide.

Et Satchmo de survoler l’ensemble avec bienveillance et grâce, dans un interplay constant avec ses comparses, lors de cet épisode parisien d’un marathon mondial à la tête de ce all-stars.