Chronique

Julien Soro / Raphaël Schwab

Schwab Soro

Julien Soro (as), Raphaël Schwab (b)

Label / Distribution : Neuklang / Harmonia Mundi

Quand on participe à une formation comme Ping Machine, qui compte quinze musiciens, peut-on imaginer instruments plus distants que le saxophone et la contrebasse ? Le premier se trouve généralement sous les feux des projecteurs, le second souvent relégué en fond de scène au côté de la batterie. Pourtant, une amitié musicale peut malgré tout émerger de cet éloignement et susciter une belle complémentarité. C’est le cas de Julien Soro, saxophoniste alto, et Raphaël Schwab, contrebassiste.

Si le dessin de la pochette les représente vêtus du même imperméable (d’exhibitionniste) et qu’aucun titre, autre que leur deux noms, n’a été donné au disque, c’est bien pour souligner la complicité qui les réunit. Et leur musique, forcément, s’en ressent. A travers dix compositions de Schwab (exceptée une, signée Charlie Parker), le duo captive l’attention et invite à un moment de retrait en marge des emballements du monde. Il se dispense de bavardages superflus pour se concentrer sur l’essentiel. De cette sobriété se dégage une vraie humilité.

Car c’est de ce dialogue étroit que jaillit le secret de cette association. Que ce soit pour mener de front une mélodie jusqu’à son terme ou profiter du périmètre que l’un trace pendant que l’autre y enroule des arabesques, le plaisir d’échanger instaure une dynamique resserrée qui sert bien le propos de ces pièces au format court. L’alliance des sons fait le reste ; elle déploie une amplitude large et maîtrisée qui s’étend des graves profonds de la contrebasse aux aigus aériens du saxophone.

Sur « Choral de bienvenue » ou « Marche vers l’avant », des phrases brèves, répétées sans empressement, conduisent l’auditeur vers des territoires où le temps s’étire, faisant parfois songer aux cercles qui se déploient à la surface de l’eau lorsqu’on y jette un caillou. A d’autres moments, une variation d’atmosphères s’étend du doux à l’énergique ; voire à des plages entraînantes, telles « Valse-farandole » ou « Confirmation » (le titre de Parker). Rondeurs, caresses, mais aussi cris et brisures, tout est suffisamment fondu et justifié pour un déroulé des plus agréables à suivre.

Loin des violences libertaires, ce duo dévoile de petites mécaniques qui s’immiscent discrètement mais profondément dans l’oreille. La connivence et la concentration des moyens donnent alors accès à un univers original immédiatement plaisant. Rien ne semble complexe, tout est dit clairement. On pense à la célèbre formule de Charles Mingus : « Tout le monde peut rendre compliquées les choses simples. La créativité, c’est de rendre simple les choses compliquées. »