Scènes

Le Bouche à Oreille 2010


Festival de Jazz en ballade. Bouchemaine (49), 22 et 23 mai 2010.

Cette idée de festival, lancée un peu sous forme de boutade il y a deux ans par la toute nouvelle Adjointe à la culture de Bouchemaine, Marie Mercier, au saxophoniste, professeur de Conservatoire et activiste angevin notoire Pierrick Menuau, a fait son chemin jusqu’à ce week-end.

Sa mise en place a nécessité le concours de différentes structures : artistiques - avec le collectif Yolk, la compagnie Frasque, l’AMJA et Jazz pour tous -, institutionnelles (les mairies de Bouchemaine et d’Angers ainsi que la région), et privées – quelques entreprises mécènes. Mais ce sont aussi les commerçants, restaurateurs et habitants de ce village typique, qui s’étend sur plusieurs kilomètres le long de la Maine puis de la Loire, qui ont compris le festival et y ont participé, notamment en hébergeant les musiciens ou en ouvrant leur propriété pour y monter des scènes.

Le principe de Jazz en ballade est simple. Plusieurs itinéraires sont proposés aux festivaliers, et c’est cette ballade qui est payante. Pour les suivre, des bénévoles emmènent d’un concert à l’autre le groupe de spectateurs. Chaque ballade dure environ 3 heures et permet de voir au moins trois concerts payants et plusieurs concerts gratuits. On passe ainsi des quais de la Maine à de petits parcs, de quelques bâtiments historiques à des jardins privés chez de sympathiques particuliers (bien lotis sur le plan immobilier), et d’église en médiathèque.

Au programme, un juste mélange de groupes régionaux et plus ou moins amateurs et de groupes renommés. Un mélange également de jazz traditionnel, mainstream et moderne, jusqu’à la musique improvisée. Hasard du calendrier, cet événement coïncidait avec la venue exceptionnelle, après plus de quarante ans, du contrebassiste Butch Warren en France.

Butch Warren au festival Bouche à oreille © Matthieu Jouan

Outre, donc, le Big Band du Layon, le Trio d’Occaz, 3 some, POK… on pouvait écouter Nawa Jazz (avec entre autres Elia Kyoury, oud, Pierrick Menuau, sax et Pierre Christophe, piano), le trio d’Alban Darche + Jean-Louis Pommier, le tromboniste Daniel Casimir en solo, Guillaume Hazebrouck (claviers) et Olivier Thémimes (clarinettes) en duo, pour des ciné-concerts, et bien sûr le trio de Butch Warren (P. Christophe et Mourad Benhammou) augmenté de Pierrick Menuau au ténor et Jean-Philippe Bordier à la guitare.

Pour ma part, j’ai choisi la ballade du samedi. À mon arrivée le big band du Layon délivre sagement et consciencieusement un jazz de bon aloi, avec du swing, des cuivres éclatants et beaucoup de bonne humeur sous l’œil attentif de Butch Warren. Les grenouilles espiègles des alentours en sont pour leurs frais. Le Trio d’Occaz (flûte, contrebasse et guitare) formé pour ce festival propose ensuite un mélange curieux de thèmes folkloriques et de standards contemporains (Magik Malik, John Zorn…) avec un aplomb étonnant : en plein air, en plein soleil, devant une assemblée de festivaliers à table.

Au Petit Serrant, la chanteuse Samira El Alaoui propose un tour de chant dans la plus pure tradition de la chanteuse de jazz telle que le véhicule l’imaginaire collectif. Rien de bien extraordinaire, mais les gens semblaient contents. Enfin, pour finir en beauté ce petit tour, nous atterrissons dans un magnifique parc privé, arboré et frais, face à la Loire ; là, sur l’herbe et sous un immense résineux, le collectif Yolk propose sa création en cours, Yolk en cuisine. Toutes les compositions, dans un souci d’harmonie et de cohérence, ont été confiées à Daniel Casimir.

Daniel Casimir/Alban Darche © Matthieu Jouan

Celui-ci a apporté de petites pièces thématiques et rhétoriques, les Taxies [1]. Leurs titres, fidèles à l’humour dévastateur de Casimir, suggèrent différentes pistes de réflexion. Musicalement, il a su tout d’abord combiner une instrumentation particulière (celle des membres du collectif : Alban Darche, sax alto et baryton, Sébastien Boisseau, contrebasse, Jean-Louis Pommier, trombone ténor, Matthieu Donarier, sax ténor, clarinette et clarinette basse, et lui-même au trombone alto) en proposant une musique de chambre acoustique. Son écriture, précise et délicate, va puiser aussi bien dans la fugue de Bach que dans les volutes improvisées du New-Orleans. Très dépouillées, ces courtes pièces à la dynamique importante sont parfaitement audibles en plein air. Beaucoup d’humour, les cinq musiciens aiment à jouer ce répertoire « gouleyant » (dixit Jean-Louis Pommier) et le public attentif a apprécié. Le cadre idéal de ce jardin, la proximité de l’auditoire, le format du répertoire, le jeu acoustique, tout cela rend le programme Yolk en cuisine non seulement intéressant et entraînant mais aussi agréable comme un bon vin qui coule lentement dans le gosier. Et cela n’a pas de prix. Yolk en Cuisine est un projet en devenir, qui va continuer à tourner et qui, espérons-le, trouvera un support pour se pérenniser.

Yolk en cuisine © Matthieu Jouan

Cette première édition du festival est encourageante. Les lieux s’y prêtent bien à ce genre de manifestation mi-payante, mi-gratuite, répartie sur plusieurs scènes, donc itinérante. Sur deux jours ce sont quelque 10 000 personnes qui ont déambulé dans la ville et les parcs. Les deux concerts du soir étaient complets, et près de 500 entrées payantes ont été dénombrées pour les ballades.

Il reste quelques détails à caler (le timing des départs, la disposition des scènes) mais tous les éléments sont là pour faire de « Jazz en ballade » une étape incontournable des festivités estivales. L’année prochaine, il est question de bateaux pour remonter la Loire en musique, de scènes sur l’eau. Du moins, si le Département et la Région décident de s’impliquer financièrement...

par Matthieu Jouan // Publié le 31 mai 2010
P.-S. :
  • COLLOQUE « LES TERRITOIRES DU JAZZ »
    Jeudi 10 juin 2010
    Médiathèque de Bouchemaine
    49089 Bouchemaine

« Dans le cadre de ses réflexions conduites sur les enjeux territoriaux du développement culturel, le GRANEM organise, en association avec le festival de Jazz « Bouche à Oreille » de Bouchemaine, une journée de recherche sur la thématique des Territoires du Jazz.

Cette journée sera l’occasion de croiser le regard que portent les sciences sociales sur le Jazz, parfois présenté comme métaphore en économie ou en gestion sur des questions de management ou d’improvisation, comme carrefour de plusieurs champs esthétiques du siècle passé, comme l’a démontré l’exposition « le siècle du Jazz » récemment présenté au musée du Quai Branly, à Paris ou encore comme pièce centrale d’un maillage de réseaux constitués d’acteurs aussi passionnés que variés. »

+ d’infos

Réservations : 06 60 72 96 06
Contact : UFR Droit, Economie et Gestion : 0241962145 (Marie-Christine PASSIGNAT)
Médiathèque de Bouchemaine
2 place de l’Abbé Thomas
49080 Bouchemaine
Tél : 02-41-22-20-05

[1Dans la partie innée du comportement animal, les « taxies » sont des réponses orientées et obligatoires de l’organisme animal à un stimulus déclencheur externe.