

Les arômes orchestraux typiques de l’école francaise qui ont révélé des compositeurs comme Jef Gilson, François Jeanneau, Didier Levallet ou Patrice Caratini, parfument aussi la formation de Jérôme Lefebvre. Ce sextet aux airs de big band élabore un langage qui évoque des nuances, les compositions raffinées côtoient de petites pièces judicieusement disposées dans l’ordre des quatorze morceaux enregistrés.
Cette partition laisse le champ libre aux expérimentations sonores, questionne sur l’inexprimable et sur la force illusionniste de la musique. Cinq « Transition # » écrites par les musiciens de Jérôme Lefebvre valorisent les compositions du chef d’orchestre. « Ouverture » et « À Courbet » ne font qu’un par leur émergence délicate, Loïc Vergnaux y est très inspiré à la clarinette et la guitare souligne habilement la mélodie. Jérôme Lefebvre installe un rapport de réciprocité avec ses musiciens et laisse transparaître des influences multiples qui vont du jazz au blues en passant par la musique contemporaine.
Le suspense dans « Le Petit Matin du peintre » donne l’occasion à Benoît Keller de dispenser un solo de contrebasse qui se calque sur le thème avec beaucoup de perspicacité. L’expérience de ce contrebassiste qui a travaillé avec Claude Barthélemy, Franck Tortiller, Didier Lockwood, Jean-Marc Padovani, s’inscrit naturellement dans cet album aux parfums hexagonaux. « Yves » donne l’occasion à Timothée Quost et Guillaume Orti de délivrer deux solos magistraux alors que Daniel Jeand’heur fait une intervention confondante dans « Bordello con expressividad ». Enregistré dans la charmante cité de Salins-lès-Bains, ce disque, dont la prise de son et le mixage sont réalisés par Julien Woittequand, restitue une dynamique qui met en valeur chacun des musiciens.
L’immixtion splendide de Jérôme Lefebvre dans « Strange Feeling », qui évoque les fulgurances passées de Gérard Marais, le place parmi les guitaristes français à suivre. Ce musicien est imprégné de ses rencontres avec John Abercrombie et Vic Juris, mais plus que tout il a parfaitement réussi à entremêler divers langages musicaux dans son très réussi Jusqu’où s’évapore la musique ?