Tribune

Lee Konitz (1927-2020)

Saxophoniste légendaire et expérimentateur discret, Lee Konitz vient de nous quitter.


Né en 1927 à Chicago, Leon « Lee » Konitz rejoint la triste cohorte des victimes du Covid-19. Artisan discret de la libération des formes, élève et compagnon de route de Lennie Tristano, célèbre participant au Birth of the Cool de Miles Davis, Konitz n’aura cessé d’enregistrer des disques jusqu’à la fin de sa vie, de chaque côté de l’Atlantique, avec Alexandra Grimal ou Jakob Bro comme avec Dan Tepfer ou Albert Mangelsdorff.

Musicien dans les grands orchestres dès les années 40, c’est la rencontre avec Lennie Tristano qui va changer la carrière de Lee Konitz. Il en reste un témoignage fort, le disque Intuition, avec Warne Marsh où il émarge dans le sextet. Musique complexe, ouverte, où le son suave et très ouaté de son alto est déjà très remarqué ; un morceau comme « Crosscurent » offre une ligne directrice qu’il tiendra toute sa vie, ne cessant de l’enrichir en moult expérimentations ; il fut notamment un des premiers à s’intéresser à l’électrification de son instrument, mais aussi aux cordes.

Lee Konitz © Emmanuelle Vial

La rencontre avec Marsh est également une étape très marquante pour Konitz. En 1955, il enregistre un disque qui reste encore aujourd’hui un incontournable : sur Lee Konitz with Warne Marsh, on trouve un sextet de rêve avec Oscar Pettiford à la contrebasse, Billy Bauer à la guitare, Sal Mosca au piano et Kenny Clarke à la batterie.

La vitesse d’exécution et l’intensité qui alimentent « Donna Lee » marqueront durablement Anthony Braxton, avec qui Konitz enregistrera, d’abord sur le All The Things We Are de Dave Brubeck puis pendant le Woodstock Jazz Festival de 1981, avec Chick Corea notamment (The Song is You), que Konitz retrouvera ponctuellement dans les décennies 80-90.

Lee Konitz © Yann Renoult

Mais la grande affaire de Konitz, ce sont les duos. Parmi ceux-ci, on ne peut oblitérer la collaboration riche avec Martial Solal, dont ce magnifique Duplicity de 1978.

On ne saurait trop conseiller néanmoins le Star Eyes de 1983, live paru chez HatHut. La grande liberté de Lee Konitz, c’est d’avoir su toujours inventer et révolutionner avec élégance et discrétion, permettant d’insuffler de la nouveauté derrière son image un peu passée de musicien cool.

A ce titre, on peut le comparer à un musicien comme Jimmy Giuffre, avec qui il enregistrera des disques parmi les plus belles pages de sa carrière, à commencer par le Lee Konitz meets Jimmy Giuffre de 1959 avec Bill Evans au piano, qui venait juste d’être réédité.