Chronique

Healing Unit

Please Repeat

Paul Wacrenier (p), Arnaud Sacase (as), Xavier Bornens (tp), Marco Quaresimin (b), Benoist Raffin (dms)

Label / Distribution : Le Fondeur de Son

Un pianiste comme Paul Wacrenier est un artiste qui s’inscrit dans un genre et dans une tradition. Dans le petit monde du Free Jazz francophone, il fait partie des incontournables grâce à ses collaborations avec Yoram Rosilio, Thierry Mariétan ou Tomasz Dabrowski. Avec son entité Healing Unit, qui devient Orchestra lorsqu’elle est élargie, Wacrenier impose une musique référentielle et nerveuse qui sillonne tout aussi aisément les rivages de l’AACM que ceux d’Ornette ou de Dolphy. Dans Please Repeat, son dernier album avec son Unit réduite à son plus simple appareil en quintet, le morceau justement nommé « Opening » est un modèle du genre : sur une rythmique impeccable tenue fermement par la contrebasse de Marco Quaresimin que l’on sent influencé par William Parker, le saxophone (alto, forcément alto) d’Arnaud Sacase se chicane avec la trompette très âpre de Xavier Bornens. De cette collision, célébrée par des interventions sporadiques mais enflammées du clavier, naît une suite habile et raffinée qui occupe tout l’album.

C’est d’ailleurs ce qui s’épanche de « Blues For AEC » qui débute dans une note tenue de vibraphone, pont avec le morceau précédent ; une prolongation du rapport de force engagé dès le début de l’album. Dans un exercice là aussi très référentiel, le Healing Unit fait preuve d’une solidité à toute épreuve. Au-delà de la contrebasse, brillante de bout en bout et s’offrant un solo remarquable, c’est le batteur Benoist Raffin qui impressionne par sa capacité à contenir les assauts avec autorité mais sans agitation, fruit d’une rigueur qui irise tout le quintet.

Dans ce contexte, Wacrenier jouit d’une liberté sans nulle pareille, telle qu’on peut l’entendre sur « Too New or Not to New », dans un beau dialogue avec Quaresimin. On le savait maîtriser un jeu percussif, mais la palette s’est étendue. Sur « Decision », il s’offre même quelques instants d’un lyrisme très concertant avec les deux soufflants qui dansent sur les cymbales de Raffin, lui aussi un proche de Rosilio, dont le label Le Fondeur de Son édite cet album. Le précédent album du Healing Unit, Messing Around était augmenté de Sylvaine Hélary. Sans la flûte, le ton de l’orchestre est plus rugueux, écorché, et s’offre moins d’espace. C’est dans ce confinement désiré que naît une puissance concentrée qui explose parfois à basse intensité, comme un trop plein (« Outro »). C’est aussi la clé d’une formule maîtrisée et très efficace où la jubilation est partagée entre musiciens et auditeurs. Un travail soigné.