Portrait

Leïla Martial, une rhapsodie bohémienne

Quelques remarques en passant sur la jeune vocaliste acrobatique.


Photo : Michael Parque

Nouvellement nommée artiste résidente en Pays de la Loire par le CRDJ, Leïla Martial multiplie les concerts dans la région. Le hasard du calendrier et la très bonne tenue de la programmation jazz de l’Onyx ont fait qu’elle s’est produite sur cette scène à deux reprises en novembre 2017.

La première fois avec le quartet d’Anne Paceo, la seconde avec Valentin Ceccaldi pour le duo FIL.
Le premier concert, sous le leadership de la batteuse, était le 70e concert de Circles. Chiffre rond, salle pleine, concert rondement mené et rappel chanté. Soixante-dix fois le même concert, ça peut lasser. Pourtant, on sent la même énergie dans la fougue de Leïla.

Bien campée sur ses deux jambes, micro en poigne, elle envoie ses mélismes face au saxophoniste Christophe Panzani, elle joute avec la batteuse, elle superpose ses traitements sonores à ceux de Tony Paeleman. Leïla est tout sourire, par moments. Elle est aussi comme une boxeuse au jeu de jambes délié. Toujours la main sur ses boutons de mixage, un pied jamais loin d’une pédale d’effet, elle arrive, coordonnée, à tout faire en même temps.

Leila Martial & Valentin Ceccaldi par Fabrice Journo

Avec Valentin Ceccaldi, c’est le duo. Il y a plus de risques. Un faux pas, et l’équilibre se rompt. Là encore, sur un répertoire de chansons, elle utilise sa voix comme une instrumentiste. Accentuant la fêlure comme d’autres le growl dans une trompette, claquant des aigus cristallins comme des envolées de flûtes ou des medium ronds comme des wha wha de trombones. Sa diction est travaillée, les mots sonnent et l’on entend, en bout de mélodie, claquer la consonne de fin.

Leïla Martial, lorsqu’elle chante, se situe entre Barbara pour la classe dramatique et Nina Hagen pour l’énergie punk. C’est une position rare, qui ne tient qu’à un fil.

Rien d’étonnant d’ailleurs à ce que le duo FIL ait choisi des chansons très imagées, qui traversent les siècles. « The Cold Song » d’Henri Purcell, « Au bord de l’eau » de Gabriel Fauré ou « Oh, My Love » de John Lennon entre autres. Voilà trois compositeurs joailliers qui savaient tailler des bijoux de chansons. Les arrangements du duo sont d’ailleurs magnifiques et, sachant le travail de composition et d’orchestration dont est capable Valentin Ceccaldi lorsqu’il a sous la main le Grand Orchestre du Tricot, on sent ici toute la concentration, toute l’essence de son savoir-faire au service de cordes vibrantes.
Les chansons sont travaillées comme des rhapsodies, avec des structures qui vagabondent, un fil narratif qui se déroule comme une route de montagne. On se laisse emporter.

On retrouvera avec plaisir et curiosité la chanteuse dans d’autres formes, comme le solo et un nouveau répertoire pour Baa Box, son fameux trio. En attendant, cette amoureuse de la voix multiplie les recherches et les expériences. Ce n’est qu’un début donc, nous la suivrons.