
Lennie’s
Lennie’s
Jean-Christophe Kotsiras (p), Ludovic Ernault (as), Pierre Bernier (ts), Blaise Chevallier (b), Ariel Tessier (d)
Label / Distribution : Auto Productions
Composé d’une jeune génération de jazzmen français autour du pianiste Jean-Christophe Kotsiras, ancien élève d’Emil Spanyi, Lennie’s ne cache pas très longtemps son dessein, rendre hommage direct ou indirect à la musique de Lennie Tristano. Le quintet très égalitaire réuni ici s’empare de l’œuvre du pianiste et de ses amis, à l’instar de « Wow » qui fait la part belle à une base rythmique solide. Si l’on connaît bien Ariel Tessier, membre de Big Fish, Blaise Chevallier est davantage une découverte : compagnon régulier de Loustalot et de Kotsiras, c’est lui qui garde le contrôle d’un morceau aux tentations abstraites, chauffé par une batterie insatiable. À leurs côtés, les soufflants se poussent du coude, ivres de surenchère entre Pierre Bernier, membre des orchestres de Franck Tortillier, au ténor et Ludovic Ernault à l’alto, compagnon d’Enzo Carniel.
Si le piano de Kotsiras est furieusement tristanien - sa composition « Anamnèse » en témoigne, qui laisse beaucoup de place à ses camarades mais jouit d’une main gauche aussi puissante que la droite est subtile -, ce sont bien les saxophones qui habillent un hommage conscient de l’importance de Tristano dans les fondations du free jazz. « Palo Alto » de Lee Konitz en est l’illustration, avec cette complexité joyeuse et fluide. Là aussi, le rôle de Blaise Chevallier est prépondérant, notamment pour accompagner les prises de liberté de Bernier, remarquable interprète.
Subtil et prometteur, ce quintet choisit la musique patrimoniale comme pour mieux délimiter son territoire et voir un peu plus loin. À ce titre, la composition « Emelia » de Kotsiras est certainement le morceau le plus enthousiasmant de ce premier album, justement parce qu’il sait transcender un respect qui semble très prégnant, et qu’il honore l’interplay du quintet. On aurait aimé, au regard du talent des soufflants, avoir au répertoire un titre de Warne Marsh, autre grand élève de Tristano, mais le choix cohérent des morceaux et la fluidité des interprétations emporte vite ce sentiment fugace.