Chronique

Pj5

I Told The Little Bird

Paul Jarret (g, comp), Maxence Ravelomanantsoa (ts), Léo Pellet (tb), Alexandre Perrot (b), Ariel Tessier (dms) + Isabel Sörling (voc), Jozef Dumoulin (Rhodes).

Label / Distribution : Jazz&People

Pj5 fait partie de ces « jeunes » groupes français qu’on surveille du coin de l’œil (et des oreilles, surtout) depuis leurs débuts. Parce qu’au-delà de leur savoir-faire, de leurs influences revendiquées et de leur ouverture à des horizons musicaux multiples, ils savent faire entendre leur petite musique, celle par laquelle il est aujourd’hui facile de les identifier. Voilà quelques années qu’il en va ainsi pour cette bande d’amis (la même depuis le commencement, il est important de le noter) réunie par le guitariste Paul Jarret. Il y eut un premier EP en 2011, Floor Dance, puis Word en 2013 et Trees en 2015. Beaucoup de promesses d’abord puis, au fil du temps, la confirmation d’une présence réelle dans le paysage musical français et européen. D’autant que Pj5 a été lauréat en 2016 du dispositif d’accompagnement Jazz Migration organisé par l’Association Jazzé Croisé (AJC). Ce qui a valu au groupe de participer à une vingtaine de concerts en France et en Europe, et d’enregistrer dans ce cadre son nouvel album, I Told the Little Bird, qui voit le jour sur le label Jazz&People.

Les mêmes donc, soit une équipe soudée non seulement par le travail de composition de Jarret mais aussi par la fougue colorée de la rythmique (les excellents Alexandre Perrot à la contrebasse et Ariel Tessier à la batterie) et la complicité harmonique d’un autre duo composé de Léo Pellet au trombone et Maxence Ravelomanantsoa au saxophone ténor. Ce sentiment d’un travail collectif est souligné par la personnalité du leader qui, bien loin des effets de manche, préfère de très loin endosser le costume de l’agenceur sonore et du pourvoyeur de climats, volontiers éthérés. La virtuosité n’est pas de mise chez lui qui n’aime rien tant que de dessiner des paysages dont les nuances sont à chercher autant dans ses origines nordiques (Paul Jarret est d’ascendance suédoise) que dans sa passion pour la scène jazz new-yorkaise ou les musiques improvisées. Et qui ne rechigne pas à instiller dans sa création une bonne dose de ce qu’on aurait nommé rock progressif en d’autres temps. Il y a chez lui en effet des élans, des détours qui peuvent renvoyer aux univers à tendance symphonique de Yes ou King Crimson, dans leurs versions des années 70 bien sûr. Tout cela mis bout à bout fait qu’il y a aujourd’hui un son Pj5, une voix singulière qui se fait entendre. Et dont les couleurs sont renforcées cette fois par le chant d’Isabel Sörling (suédoise, forcément !) et le Fender Rhodes de Jozef Dumoulin dont on sait la capacité à entourer la musique d’un halo brumeux, voire mystérieux.

Ce nouveau disque s’écoute d’une traite, comme si on se trouvait en présence d’un concept album, où l’alternance de séquences très aériennes – on n’ose pas dire planantes – et d’alertes plus binaires écrivent un scénario captivant de bout en bout, dont les envolées sont majestueuses sans jamais verser dans la grandiloquence. De plus, I Told the Little Bird – tout comme Trees – sonne comme un avertissement devant les violences exercées par l’homme envers la nature. En 2015, Pj5 célébrait les arbres et le voici qui se penche sur la cause animale et, sans doute, celle des espèces menacées (dont les oiseaux). On lui en saura gré mais avant toute chose, il faut le remercier de ne rien céder sur le terrain d’une cause tout aussi noble : la quête d’une musique qui, de jour en jour, doit se réinventer pour ne pas disparaître.